Mon corps, l’origine de tous mes traumas
J’ai été mise à l’écart par les enfants de mon école : je n’avais pas le droit de jouer avec les autres, je me faisais critiquer, je restais souvent seule. J’ai pris mon corps pour responsable. Si on ne m’aimait pas, c’était de sa faute. Si je me faisais insulter, c’était de sa faute. Si je n’étais pas heureuse, c’était de sa faute.
Après tout, il n’avait qu’à changer. Je devais MAIGRIR. J’ai décidé que j’allais changer physiquement.
À 9 ans, je suis donc allée voir une nutritionniste. Elle m’a dit que, non, je n’étais pas grosse. J’étais simplement au-dessus de la moyenne des enfants de mon âge. Mais mon rapport poids-taille, 1m60 pour 58 kg, était dans la norme. Elle m’a conseillé de manger des fruits avant le repas pour une alimentation plus saine. Ce que j’ai fait pendant longtemps, très longtemps. Mais ça n’a pas eu l’effet escompté que j’attendais tant.
J’ai commencé à me faire du mal
Le collège était la période la plus dure pour moi. Je me faisais harceler, mon père m’insultait et me frappait. Et j’ai subi un viol dont je n’ai parlé à personne…
En cinquième, je suis allée à l’hôpital pendant presque deux mois parce que j’avais essayé de m’enlever la vie. Mon corps a lui aussi réagi à ces événements : j’ai atteint les 69 kg.
En revenant, j’ai eu le droit à tout plein de blagues super drôles du style : « Tu es partie accoucher ? » Encore une fois, mon corps me faisait subir un enfer. C’est là que j’ai eu la brillante idée de me faire vomir. C’était soit ça, soit je ne mangeais pas. J’avais tenu presque une semaine et la nourriture commençait à me dégoûter (moi qui en étais fan).
Mon corps les écoeurait
Et le pire dans tout ça c’est qu’en faisant ces bêtises, j’ai pris du poids. J’étais donc revenue au point de départ. Avec plus de questionnements et de douleurs que je n’en avais avant. Est-ce que j’avais mérité ça ? Pourquoi personne ne m’aimait ? Et que devais-je faire ?
Je ressassais chaque réflexion dans ma tête : « Quand je vois ton c*l j’ai envie de te b*iser mais quand je vois ta gueule j’ai envie de gerber. » (garçons de mon collège) ; « Tu es qu’une p*te. » « Sal*pe. » (géniteur) ; « Va pas te baigner tu risquerais de couler. » (parents de mon géniteur)…
Ce sont des choses que j’ai entendu à répétition pendant mon enfance, par mon père, mes grands-parents ou des copains.
Aujourd’hui, je suis hypersexualisée
Je pense que je recevrai des commentaires toute ma vie, mais qu’ils évolueront avec mon corps. Mais c’est différent maintenant. Ce sont des remarques sur le fait que je sois « bonne ».
Aujourd’hui, je suis au lycée et considérée comme une fille « populaire » (je déteste ce mot). Le regard des autres a changé sur moi, et la façon dont ils me traitent. Avant, j’étais considérée comme moche. Maintenant, c’est le contraire à son extrême : je suis hypersexualisée. Je ne peux pas dire que j’aime mon corps, mais j’y travaille.
Clara, 16 ans, lycéenne, Versailles