Je suis ni gars, ni fille
Je suis dans une école à grande population musulmane. Le problème n’est pas la religion ! Ce sont plutôt les élèves qui ne supportent pas l’originalité. Je suis différent, ils n’apprécient pas. J’ai les cheveux colorés, je mets des jupes longues, des chaussures avec des semelles épaisses… Je suis habillé comme si « j’allais à un enterrement » disent-ils. Je me questionne sur moi-même mais d’après eux, j’irai en enfer. Mon genre est inexistant, mais ils ne veulent pas l’admettre. D’après moi, le genre n’est qu’une construction sociale ; pour eux, le genre, c’est ce que tu as entre les jambes.
On ne m’apprécie pas et pendant très longtemps, moi-même, je ne m’appréciais pas. Heureusement, j’ai des amis, avec qui j’ai grandi au collège. On partage des choses similaires les uns avec les autres. On disait tous qu’on allait en finir, pourtant on est encore tous là. On s’est disputés plusieurs fois, mais on s’est réconciliés à chaque fois. On a beau être le groupe de « gamins bizarres », on rigole quand même, on se moque des moqueurs, on rend la monnaie de la pièce à ceux qui nous haïssent un peu trop fort.
Préparer le futur
Au fur et à mesure, j’ai commencé à m’accepter en tant que personne, vivante et existante et non plus en tant que « carcasse vide ». Mon corps semble de plus en plus humain, de plus en plus beau et appréciable. Je m’habille comme je veux, efféminé ou masculin, selon mon envie. Un jour une jupe, le lendemain, un jogging.
Le problème ? Comme je pensais et voulais disparaître pendant toutes ces années, je n’ai pas préparé de futur. Je ne sais toujours pas ce que je veux être. Je ne veux pas travailler mais je ne veux pas être inutile. Je veux être photographe mais aussi écrire et dessiner. Je veux être entendue mais je ne veux pas parler, je veux de l’aide mais je n’ose pas la demander. Je ne fais que me contredire.
Il m’a fallu quatorze longues années d’existence pour me rendre compte d’une chose : je suis vivante, alors pourquoi je n’en profite pas tant que je peux ? Je suis encore jeune, j’ai le temps. N’est-ce pas ?
Nex, 14 ans, collégienne, Nîmes