Je me suis oubliée pour ma sœur malade
Il y a environ deux ans, en octobre 2020, ma sœur a attrapé une maladie au pied gauche : l’algodystrophie. En gros, c’est une maladie qui fait que le membre touché devient très sensible à tous les contacts. Le niveau de sensibilité dépend de la personne. Le diagnostic de ma sœur a pris beaucoup de temps : cette maladie est assez rare, et encore plus chez les jeunes.
Ma sœur était hyper sportive, presque 12 heures de sport par semaine. Sa maladie l’a fait tout quitter d’un coup et elle ne l’a pas bien vécu. Elle allait toujours à l’école mais en béquilles. Elle ne nous a jamais parlé de ce qu’elle ressentait mais je savais qu’elle n’allait pas bien du tout. Elle déprimait de ne plus pouvoir faire de sport, de ne pas pouvoir sortir comme avant et de dépendre de mes parents pour tous ses déplacements. Ma sœur est devenue le centre de l’attention de la famille entière, y compris moi.
L’organisation de la famille a changé
Je suis l’aînée, de 9 minutes. Je ne me suis pas toujours bien entendue avec ma sœur. Mais depuis la quatrième, ça va beaucoup mieux. J’ai l’impression de mieux la comprendre que les autres, c’est peut-être parce qu’on est jumelles. Depuis notre entrée au lycée, on a le même grand groupe d’amies.
Quand ma sœur a fait un séjour d’un mois et demi dans un centre pour les jeunes, de début juin à mi-juillet 2021, l’organisation de la famille a changé. Elle rentrait le week-end et tous les mercredis. Ma mère allait la voir au centre l’après-midi. Pendant la semaine, on l’appelait pour prendre de ses nouvelles.
Mes parents ont, en quelque sorte, refait la vie de famille en fonction des besoins de ma sœur. Ils ne me demandaient rien, à part me déplacer le plus possible à pied pour aller à l’athlétisme.
Prendre le relais
J’ai commencé à aider un peu plus mes parents. Par exemple le lundi, ma mère travaille jusqu’à 20 h 30, et quand elle arrive mon frère est déjà couché. Donc quand j’avais le temps, après être revenue de ma séance d’athlétisme, j’aidais mon petit frère à faire ses devoirs. Je faisais juste ce que mes parents ne pouvaient plus faire, ou alors ce à quoi ils ne pouvaient plus consacrer autant de temps qu’avant.
J’ai commencé par demander plus souvent à ma mère si elle avait besoin d’aide. Puis, je me suis levée plus tôt pour préparer le petit déjeuner à sa place. C’est elle qui gère à peu près tout dans la maison. Elle en fait même parfois trop et s’épuise.
Je me suis habituée à moins parler de mes problèmes à ma mère pour ne pas « l’embêter », à être plus autonome et ne plus demander d’aide pour quoi que ce soit. Mes problèmes étaient moins graves : mal au dos ou à la cheville… La plupart du temps, ça passait en quelques jours, donc ça ne servait à rien de lui dire. J’ai juste arrêté de me « plaindre » des petites choses que je pouvais résoudre par moi-même.
Délaisser ma vie sociale par compassion
Lorsque ma sœur est revenue du centre, j’essayais de tout faire pour qu’elle se sente bien. Je ne demandais plus trop à sortir avec mes amies car elle ne pouvait pas venir avec nous. Je ne suis pas une personne qui sort beaucoup de base, donc ça ne m’a pas manqué.
Pendant l’hiver, je suis allée à la patinoire avec elle et deux amies. La maladie de ma sœur n’était presque plus présente et elle allait beaucoup mieux. Nous nous sommes beaucoup amusées. C’était la première fois que j’y allais et c’était vraiment trop cool ! On faisait enfin une vraie sortie.
J’ai dû l’emmener aux urgences
Mais ma sœur est tombée et on a dû aller aux urgences. Elle s’était fait une fracture au pied droit. J’ai pleuré, j’étais tellement triste ! La chose dont j’ai eu le plus peur, c’est que ma sœur tombe vraiment en dépression. Mais ça n’est pas arrivé ! Elle s’est fait opérer et a dû porter un plâtre pendant six semaines.
Le week-end d’après, ma sœur a craqué et elle nous a tous envoyés bouler ! J’ai essayé d’aller lui parler, de lui expliquer qu’on s’inquiétait tous pour elle, pour sa santé physique et mentale. On avait peur pour elle ! Elle ne voulait rien entendre et elle en avait marre qu’on s’occupe autant d’elle. Elle m’a dit qu’on pleurait trop, et que moi j’étais trop empathique.
« Trop autonome »
Un jour, ma mère m’a dit qu’elle trouvait que j’étais devenue plus autonome, et même parfois trop. Je lui ai expliqué pourquoi j’étais devenue comme ça : pour l’aider avec la famille, pour la libérer d’un poids à gérer en plus.
Après ça, l’organisation n’a pas tellement changé. J’ai gardé l’habitude d’aider ma mère pour le petit-déjeuner, mais je sors plus avec mes amies.
Aujourd’hui, j’ai l’impression que je m’entends un peu mieux avec ma famille. C’est peut-être parce que je m’ouvre plus. Je pense que je vais essayer d’aller voir un psy, peut être que ça pourrait me libérer d’un poids que je ne sens pas !
Camille, 16 ans, lycéenne, Lannion