Oui, je suis française et je mange du couscous !
Le couscous est symbolique dans ma famille. Je peux même dire que c’est un héritage transmis de mère en fille. C’est le plat de la transmission : chaque famille a sa recette et la réserve pour des moments spéciaux. Chez moi, ce plat est réservé pour le vendredi soir. C’est le jour du rassemblement où les musulmans se retrouvent pour la prière du midi. Tout juste avant la prière, ils écoutent un sermon, prononcé par un imam.
Le couscous, c’est aussi une culture, une spécialité venant de mes origines. Petite, lorsque je demandais à ma mère : « On mange quoi ce soir ? », et que la réponse était : « Du couscous ! », j’étais remplie de joie et de bonne humeur… Juste en pensant à ce que j’allais manger le soir même. Aujourd’hui, j’aide ma mère à préparer ce plat. Voilà pourquoi, c’est un héritage qui se transmet.
Le couscous a une histoire
Maintenant, il faut que je vous raconte comment se compose ce fameux plat. D’abord, il y a cette semoule beurrée, juste comme il faut… La semoule du blé dur est l’aliment de base des pays du Maghreb. Elle est différente du blé tendre. La semoule est très complexe à préparer, surtout lorsqu’on la beurre. Elle se mélange dans un saladier appelé Gassaa. Ensuite, il y a ces légumes cuits à petit feu : des carottes, des courgettes, des navets et des pois chiches. Le tout est accompagné de cette viande tendre : l’agneau, et son bouillon. Tout, se marie merveilleusement bien.
Sans oublier l’épice fétiche : le ras-el-hanout ! C’est un mélange d’épices qui vient également du Maghreb. Ce concentré de saveurs, de couleurs peut contenir jusqu’à vingt épices… Si on a le temps. Sinon, on peut se contenter d’en mettre une dizaine. Cette préparation culinaire est la reine des fêtes musulmanes comme l’Aïd-el-Kebir.
Pour moi, ce plat est artistique. il est beau à observer avec toutes ces différentes couleurs chaudes. Que ce soit visuel ou bien en bouche, il a tout pour plaire. C’est de l’art pur et simple. Cette recette va au-delà d’un simple plat. D’ailleurs, peu de personnes la maîtrisent vraiment, ce qui la rend encore plus unique.
Mais ce que j’aimerais vraiment vous dire, c’est que ce plat a une histoire. À l’origine, il a été créé, au Moyen-Âge, par les peuples Berbère et d’autres peuples ruraux du Maghreb. Le couscous appartient à tous les pays du nord de l’Afrique. D’ailleurs, il a été déclaré officiellement « Patrimoine maghrébin commun ».
Se moquer de notre héritage
Pendant la campagne présidentielle 2022, j’ai vu passer un extrait d’interview d’Éric Zemmour. Il s’attaquait justement au couscous ! La journaliste Christine Kelly de CNews lui a demandé : « On peut être Français en mangeant du couscous ? ».
Zemmour a répondu « Mais bien sûr, on peut être Français en mangeant du couscous. » Plus tard, il a ajouté : « J’en mange depuis que je suis tout petit ! ». Sans oublier, une petite provocation pour la route : « Avec du jambonneau ! »
Ces propos m’ont heurté, car je suis d’origine algérienne. Zemmour veut faire passer un message aux musulmans. J’ai eu l’impression qu’en rigolant, il se moquait de notre héritage culinaire car le porc n’a jamais eu sa place dans nos cuisines. Alors pourquoi Zemmour ajoute ce détail ? Pour moi, c’était insultant.
En plus, Zemmour est d’origine juive et les Juifs non plus ne mangent pas de porc. Au Maghreb, le couscous a rassemblé, les juifs et les musulmans, pendant des siècles. Aujourd’hui, le temps a fait qu’on a un peu perdu cette fraternité. Mais je pense que juifs et musulmans pourraient retrouver cette fraternité. Déjà que le couscous, c’est compliqué parce qu’entre l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, chacun estime préparer le meilleur couscous. Au fond, peu importe. Moi, je dis : tous unis pour le couscous !
Leïla, 15 ans, lycéenne, Marignane
super article !