Papa, c’est fini entre nous
Dès mon adolescence, BAM ! Divorce de mes parents, vente de ma maison, mes frères majeurs qui se barrent, une mère en burn-out et un père alcoolique. Super la vision de l’avenir ! À 14 ans, je vivais entre deux appartements et j’étais devenue adulte. J’ai dû apprendre à me gérer et à m’occuper de moi-même car mon père n’était plus capable de le faire.
Ah bah forcément, en étant bourré du matin au soir et du soir au matin, difficile de faire la différence entre la zapette et la chaussure. Alors pour ce qui est du reste… Ma vision de mon père sobre, drôle et heureux s’est transformée du tout au tout. On dit que le rire est communicatif, mais la tristesse aussi. Mine de rien, supporter, encaisser et être patiente demande énormément d’énergie. Chose que je perdais dans cet appartement où nous étions trois : lui, moi et sa bouteille.
Un va et vient jusqu’à l’indépendance
Hop, une semaine chez ma mère et ça allait mieux, le plein d’énergies positives ! Puis, le retour chez le père, c’était reparti pour la solitude et la culpabilité de le voir dans cet état, malheureux et jubilant. Je me forçais à rester chez lui, pour ne pas qu’il se sente davantage seul. J’ai fini par supporter de moins en moins de choses chez lui, à commencer par son odeur. Aujourd’hui, un simple contact avec lui m’est devenu difficile.
J’ai déménagé dans mon propre appartement l’été de mes 18 ans, à deux heures de route de chez mes parents. Aujourd’hui, j’ai 21 ans et je suis à sept heures de route de mon père. Je vis dans un nouvel appartement avec mon copain, et mon père ne sait quasiment plus rien de ma vie. Il m’y a obligée sans le savoir, ça ne l’intéresse pas et ça me rend presque heureuse, comme si c’était la preuve dont j’avais besoin pour comprendre qu’il ne méritait plus mon attention. Enfin un cadeau qu’il peut me faire ! Il n’est plus mon problème.
Celles et ceux qui m’écoutent
Ça fait un sacré moment que je fais des efforts ! J’essaie de comprendre pourquoi il réagit de telle manière, je tente une différente façon de parler en espérant qu’il y ait quelque chose qui change, mais il n’y a aucun retour de sa part. Alors, je me suis contentée d’accepter la situation. Il est devenu encore plus têtu, égoïste et centré sur lui, et ça ne bougera pas.
Bien sûr, je ne suis pas seule. Il y a ma mère qui m’écoute et qui est présente depuis toujours. Elle est accompagnée de mon beau-père qui m’apporte une nouvelle figure paternelle, qui est d’un grand soutien et toujours de bon conseil. Mes frères, qui ne parlent plus à mon père depuis des années, m’ont soutenue moralement depuis ma majorité pour « passer le cap » et finir par ne plus être affectée par les actions, ou devrais-je dire les inactions de mon père.
Ma meilleure amie et mon amoureux me soutiennent, m’écoutent et m’accompagnent. Tous et toutes ne portent aucun jugement sur mes décisions. Au contraire, ils vont dans mon sens et ça m’aide beaucoup. Je me sens comprise et écoutée.
Fuis moi je te fuis
Maintenant, je pense à moi et je m’autorise à être heureuse sans lui. J’avais fini par être constamment déçue à chaque contact et ça me démoralisait. Je lui ai laissé trop de chances pour se rattraper et renforcer notre lien, mais en vain. Je suis partie d’un schéma familial tout à fait classique : un père, une mère, des frères et une maison.
Ce que la société nous pousse encore à croire, c’est qu’on ne peut pas se construire et avoir une vie épanouie sans garder ce même schéma tout du long. Ma vie d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle que j’avais commencée, et c’est tout à fait normal de couper les ponts avec quelqu’un qui ne nous correspond plus. En l’occurrence, mon père. On le fait bien avec un·e ami·e ou son partenaire, alors pourquoi pas avec quelqu’un de notre famille ?
Angèle, 21 ans, étudiante, Toulouse