Abdou C. 26/06/2025

Perdre son frère avant sa mort

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Abdou et son frère aîné était en froid quand ce dernier s’est suicidé. Un deuil lourd de conflits non résolus. Petit à petit, l'adolescent trouve une forme d'apaisement.

Il avait 21 ans. Il s’appelait Samy. C’était mon frère. Il est mort il y a presque deux ans. Il s’est suicidé. C’était mon seul frère. On ne se parlait plus depuis dix mois quand il est décédé. Je l’aimais. Il le savait. Mais je n’ai pas pu lui dire. 

Je savais que mon frère était en dépression et aidé par un psy. Sa copine l’a quitté et ça a été la goutte d’eau. Il était mal dans sa peau parce que c’était une fille qui voulait devenir un garçon. Il avait commencé une transition de genre. Il avait commencé à prendre des hormones à l’âge de 15 ans avec l’accord de mes parents. Ils avaient accepté directement. Sans souci. Moi aussi. Mais ce n’était pas simple pour lui de surmonter ça.

Quand j’étais petit, j’avais une bonne relation avec lui, mais à l’adolescence, ça n’allait plus trop. On s’est embrouillés. C’était très difficile pour moi à ce moment-là avec mes parents. Ça a duré longtemps. De mes 11-12 ans jusqu’à mes 15 ans. J’insultais mes parents parce que je n’étais pas bien dans ma peau. Je me cherchais beaucoup. 

Une colère en moi  

J’ai été adopté à l’âge de six mois. Mon frère aussi. Je sais d’où je viens. Je suis né à Bamako. J’étais dans un orphelinat. Mes parents sont bretons. Ils m’ont cherché là-bas. On était de la même origine mon frère et moi.

J’avais une colère en moi. Il y avait beaucoup d’insultes, de désaccords, de cris, d’insultes à la maison. Je disais des choses horribles à mes parents, comme « va te faire enculer », « fils de pute » ou « ta gueule »

À un moment, mon frère a pété un câble sur moi parce que je manquais de respect à mes parents. Ce jour-là, il a crié et a voulu me frapper. Il est parti de la maison et on ne s’est plus parlés. 

Quand mon frère est mort, ça a été difficile. J’en ai parlé avec mes amis. J’ai deux meilleurs amis que je vois au moins une fois par semaine. On habite dans la même ville. Ils ont une place très importante dans ma vie. Ils m’ont toujours soutenu dans les mauvais moments. Quand mon frère s’est suicidé et quand ça n’allait plus du tout avec mes parents. 

Apprendre à vivre avec

J’ai aussi beaucoup parlé avec ma mère. Un peu moins avec mon père. C’est quelqu’un qui préfère être dans son coin pour faire son deuil. Ce qui m’a fait le plus mal c’était de voir que mes parents étaient au plus bas. Je les voyais dans leur pire état. 

Maintenant, ça va mieux. J’y pense quand même souvent. Ça ne sera jamais facile, mais il faut apprendre à vivre avec. Mes parents et moi, on essaie. Aujourd’hui, il n’y a plus d’embrouilles et plus de cris à la maison. J’ai compris. J’ai arrêté. La mort de mon frère a été un mal pour un bien.

Abdou, 17 ans, lycéen, Les Lilas

 

En coloc avec « Monsieur Deuil », par Imène, 17 ans. L’adolescente a perdu son frère il y a six ans. Elle a multiplié les comportements à risque et autodestructeurs, avant de rencontrer l’écriture, libératrice.

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