Léane R. 25/10/2022

J’ai perdu mes kilos, mais je les vois toujours

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Au collège, Léane a subi de nombreuses moqueries sur son poids. Aujourd'hui, elle continue de se voir plus grosse que ce qu'elle n'est.

Avant, j’attendais avec impatience le sport. Je considérais ça comme une longue récréation pour pouvoir m’amuser avec mes amis. Mais ça, c’était avant. Le sport a été un calvaire et une angoisse durant mes quatre années de collège.

Cette année, à mon entrée en seconde, plus l’heure du sport arrivait, plus j’angoissais. Je me répétais : « Tout va bien se passer »« Il faut que j’arrête de trembler ! » Je ne pensais qu’à une chose : on a danse et je vais devoir passer devant tout le monde faire une démonstration. J’ai senti les larmes monter et mes jambes se vider d’énergie. J’ai vraiment cru que j’allais tomber et ne plus réussir à me relever. Après deux heures de sport, toutes les larmes que j’avais dû retenir ont coulé à flot. Pourtant, je ne m’étais prise aucune remarque.

Je me fais des reproches à moi-même. Mon complexe a gagné tous les instants de ma vie. Quand je suis face à un miroir, cette vision est pour moi semblable à une déformation. Même si on m’assure que je ne suis pas grosse, comme ma mère aime me le répéter, moi je vois complètement le contraire. Voilà, c’est ça la dysmorphophobie.

À 10 ans, on ne s’en rend pas compte

J’habite avec ma mère. Avec elle, les repas sont plutôt équilibrés, on a des repas avec plein de légumes différents ; même si parfois, dans la semaine, on s’autorise une soirée pizza ou MacDo. Contrairement à mon père qui, lui, met énormément de crème ou de beurre dans les repas et cuisine très peu de légumes, à part des pommes de terre. Là, avec mon frère, on peut manger un paquet de chips entier chacun avec des tranches de blanc de poulet seulement une heure avant le repas. C’est durant des vacances passées chez lui, à 10 ans, que j’ai commencé à prendre du poids. Je ne m’en étais pas aperçu. J’échappais à la surveillance de ma mère.  Et, après tout, une enfant de 10 ans ne se préoccupe pas des codes de la société.

Une semaine avant mon entrée en sixième, à la fin de l’été, j’étais juste impatiente. C’était avant de savoir que j’allais développer un mal-être profond en moi. Tout se passait bien jusqu’au jour où j’ai eu une moquerie sur mon poids en sport. Du type : « Saute pas, sinon il va y avoir un tremblement de terre », ou encore : « Tu cours pas, tu roules. » Le cours de sport suivant, ce n’était plus une remarque mais plusieurs, de différentes personnes. Cette fois, mes pensées repassaient en boucle ces moqueries. Ça y est. J’étais persuadée que que j’étais trop grosse.

Il y aussi les réseaux sociaux pour me faire culpabiliser. Avec du recul, je pense que ce qui m’a donné le plus de complexes, c’est de voir toutes ces filles considérées comme des « femmes de rêve ». Elles ont la caractéristique d’être minces, ce que moi je ne suis pas. Alors, en grandissant, je m’éloigne le plus possible de cet univers de téléréalité et d’influenceurs. J’ai compris que ce n’est pas la vraie vie et ça ne le sera jamais.

Se voir à travers les autres

À mon retour de ces fameuses vacances chez mon père qui m’ont apporté des années de moqueries, mon docteur m’avait diagnostiqué en léger surpoids. Mais, dernièrement, après une visite dans son cabinet, il m’a indiqué que je ne l’étais plus.

Même si les autres me disent que je ne suis pas grosse, je pense que les élèves du collège que j’ai côtoyés ont réussi à me persuader que je l’étais. Et je le pense toujours actuellement. Ces derniers temps, je n’ai plus aucun problème avec la nourriture. Je mange normalement et mon poids se stabilise.

J’en suis très fière, même si je n’ai pas perdu tout le poids que je voulais. Je pense que je n’y suis pas arrivée car je n’ai jamais essayé de perdre du poids pour moi, mais plutôt pour les autres. Mais je pense que ce qui m’attriste le plus, c’est de voir les personnes qui se sont acharnées sur moi vivre leur vie sans aucun remord. Alors que moi, je dois vivre avec les blessures qu’elles m’ont causées.

Leane, 15 ans, lycéenne, Marignane

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