Phobie scolaire : des mois de thérapie pour en sortir
Il y a trois ans, j’ai commencé à avoir la boule au ventre au moment d’aller au collège. J’ai pris sur moi pour ne pas inquiéter mon entourage. Ma mère voyait que quelque chose n’allait pas. Les professeurs et mon père ne se rendaient compte de rien car j’avais un « visage de façade ». Je prenais tout à la rigolade : je souriais, mais je ne parlais pas beaucoup, je disais toujours « ça va ». À force, je me suis enfermé dans ce rôle. J’avais du mal à être moi-même. Je répondais quasiment toujours oui, car je voulais m’intégrer, mais je me sentais très mal. J’ai arrêté d’aller en cours un an et demi. Au début, on ne pensait pas que c’était une phobie scolaire.
C’était de pire en pire jusqu’à ce que je n’arrive plus à y aller du tout. J’avais très mal au ventre, je restais chez moi. On allait voir le médecin qui voyait que je ne me sentais pas bien, mais il ne pouvait rien faire.
Ma mère m’a fait voir un psy avec qui parler, car je ne sortais plus du tout de chez moi. Comme ça s’est passé en période Covid, je n’ai pas pris du retard sur les autres. Je vivais comme toutes les personnes confinées.
Malgré la phobie, j’avais de très bons résultats, on m’a fait passer de la cinquième à la troisième. J’ai pu revenir au début de l’année suivante, mais je me sentais toujours très mal. J’ai ensuite redoublé la troisième, car n’étant pas allé en cours et n’ayant pas passé le brevet, je ne pouvais pas aller en seconde. Donc en fin de compte, je suis avec des gens de mon âge !
Ça fait du bien d’en parler
Le psy me faisait grandement du bien. Il m’a dit que je souffrais de phobie scolaire, et m’a alors redirigé vers le service Peyre-plantade de pédopsychiatrie. Une phobie est une peur tellement grande de quelque chose qu’elle en devient maladive. Ma mère avait fait un burn-out pas très longtemps avant, ayant mené à une dépression. Elle pouvait donc mieux comprendre.
Elle faisait plutôt confiance aux docteurs. Mais mon père étant sénégalais, là-bas, on pense que les psys c’est pour les fous. Il préférait croire que je mentais pour ne pas aller en cours plutôt que de penser qu’il y avait un problème. Il avait des remarques dures, mais comme il n’avait pas plus de solutions, il laissait gérer ma mère.
Au début, j’étais tout seul. Les horaires ont beaucoup varié, mais c’était souvent deux fois par semaine. Quelqu’un me prenait en charge, avec qui je faisais des activités pour lutter contre le stress. Ensuite, on m’a mis dans un groupe avec des personnes ayant le même problème que moi. Ça se passait très bien. On travaillait sur la sociabilité. On m’a appris plein de techniques, comme la maîtrise du souffle, des méthodes pour détourner le cerveau de la situation stressante. On a aussi fait de la mise en situation.
Avec la personne qui me suivait, on allait aussi par moments devant mon collège, juste pour marcher devant. Au bout d’un moment, on est entrés dans la cour pendant les heures de cours. Cela peut paraître insignifiant, mais pour moi qui ne sortais plus de chez moi, qui ne voulais plus voir personne du collège, c’est très stressant ! Petit à petit, c’est allé mieux. C’est en s’exposant sous contrôle à sa peur que petit à petit on y fait face. Cette méthode s’appelle « l’exposition ».
La reprise s’est faite petit à petit
On m’a dit au bout d’un moment que j’avais fait assez d’exposition. Ils m’ont proposé de reprendre deux heures de cours par semaine. On m’a laissé le choix des horaires. Je l’ai fait. On a fini par augmenter petit à petit. Deux heures par semaine. Puis quatre.
J’en ai parlé à aucun camarade, car c’est difficile. Je disais juste que j’allais à l’hôpital. Avant que je reprenne les cours, le collège avait dit aux autres élèves de ne pas me poser de questions sur ce sujet. Ils étaient donc normaux et ne m’en ont pas parlé. Certaines personnes que j’avais vues en sixième m’ont dit que ça faisait plaisir de me revoir, ça m’a fait chaud au cœur.
En soi, j’ai toujours eu de très bonnes notes sans trop travailler. Donc la reprise s’est faite facilement. Je suivais très bien en cours donc j’avais peu à rattraper. J’ai même pu passer le brevet en classe. Réussir à l’avoir a été une grande étape dans ma guérison, car c’était une situation qui me faisait peur.
J’ai pu intégrer un lycée où il est facile de rattraper des cours. En début de seconde, j’étais toujours suivi le lundi. J’allais mieux, même si j’étais stressé. Très vite, comme il y avait une bonne ambiance dans le lycée, c’est allé de mieux en mieux. Comme j’ai été aidé, j’ai pu guérir de ma phobie scolaire. J’ai juste encore beaucoup de mal à parler aux gens. Cela rend difficiles les relations sociales, cependant, je n’ai plus peur, c’est ce qui me permet d’être là aujourd’hui. Je ne suis plus suivi activement, même si je vais parfois voir une psy.
Une phobie scolaire impossible à régler seul
Le fait que je reprenne normalement les cours a beaucoup rassuré mes parents. À un moment, j’étais au fond du trou. Remonter, c’est très dur. Je souhaite aux personnes souffrant de phobie de réussir à aller mieux.
Quand tu ne t’intègres pas, que tu es mis de côté, il n’y a rien de pire, être isolé du milieu social où tu es, pour diverses raisons (comme le harcèlement par exemple). Cela peut être aussi dû à des problèmes avec le système éducatif, qui peut enfoncer certains élèves. Avoir de mauvaises notes, cela peut aussi créer une phobie.
Ça laisse certaines cicatrices dans le lien social ou l’apprentissage. Il y a des gens qui l’ont vécu de façon bien pire que moi. Mais avec de l’aide, on peut s’en sortir. Maintenant j’ai une scolarité normale et pas d’autres phobies.
Lilian, 16 ans, lycéen, Montpellier