Myriam N. 30/03/2023

Pour mes parents, je dois rester à la maison

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Myriam rêve d’explorer le monde et de sortir quand elle veut. Pour ses parents, c’est non : une fille doit apprendre à s’occuper du foyer jusqu’au mariage.

Il est 19h30, c’est le quatrième entraînement que je rate ce mois-ci. Comment dire à mon entraîneur que si je ne viens plus au stade pour lancer au disque, c’est parce que mes parents ne veulent plus que je sorte après 18 heures ?

Depuis mon entrée au lycée, ils essaient de me dissuader de continuer l’athlétisme. Selon eux, ça ne vaut pas la peine de sortir pour un sport qui n’est pas collectif. « Si c’est individuel, pourquoi ne pas le faire pendant le week-end, dans le stade juste en bas de chez nous ? » ; « Ça ne vaut pas la peine de se déplacer pour être entourée de grandes personnes. » Du point de vue de ma mère, il est inenvisageable pour une fille de sortir après que le soleil se couche.

L’extérieur devient comme une jungle quand le soleil n’est plus là. Ce danger qu’elle s’imagine s’est formé par son éducation, mais aussi par notre culture au Maroc et par la télévision. Ces dernières années, ils ne cessent de voir au 20 heures de TF1 des agressions et des disparitions très fréquentes de jeunes filles qui s’accumulent. Je vois mon petit frère sortir sans prévenir à 20 heures, là où moi j’aurais négocié, argumenté pendant de longues minutes pour, au final, me retrouver dans ma chambre avec mes larmes de colère.

J’ai ce sentiment qui forme une boule au niveau de mon cœur qui n’arrive pas à sortir, une boule de haine et d’injustice. Ce sentiment, j’ai appris à vivre avec. Il s’estompe peu à peu, mais il ne disparaîtra jamais complètement. L’athlétisme c’est fini pour moi, après six ans de combat.

Garçon et fille, chacun son rôle

Malheureusement, ces situations sont très fréquentes dans mon entourage. Dans mon pays, depuis bien longtemps, chaque enfant est éduqué selon son sexe. On attribue à chacun un rôle. Un garçon doit toujours sortir dehors pour apprendre ce qui l’entoure, il doit explorer. Quand il est jeune, il doit être énergique et faire du sport sans souci d’horaires. Une fois adulte, il peut se prendre un appartement loin de ses parents, il doit être en mesure de subvenir aux besoins financier de sa future femme et de de ses futurs enfants.

Une fille doit rester à la maison pour apprendre à l’entretenir, elle doit aider sa mère et être capable de nourrir son foyer. Quand elle est jeune, elle peut s’amuser dehors, pas très loin et pas trop tard. Une fois adulte, elle doit attendre de se marier pour partir de chez ses parents. Si elle devient mère, c’est elle qui s’occupe des enfants. Ces idées n’ont cessé de se transmettre jusqu’à atterrir dans ma vie. Mes parents veulent donc tout naturellement que je reste le plus souvent chez eux.

Moi, je n’aime pas rester chez moi. J’aime explorer le monde, découvrir de nouvelles espèces, de nouvelles plantes. Le ciel bleu m’appelle continuellement. Dès que du temps libre se présente à moi ou qu’un prétexte est propice pour sortir dehors, je n’hésite pas à franchir la porte, malgré le mécontentement de ma mère. Mon petit frère est à l’opposé de moi. Il n’aime pas sortir et passe ses journées dans sa chambre, porte fermée. Pour ma mère, c’est un des pires scénarios possibles. Elle n’arrête pas de nous comparer : « Pourquoi tu sors tous les jours, t’es pas un garçon ? » Et à mon frère : « C’est pas toi qui devrais rester à la maison mais ta sœur, sors un peu, allez ! »

Je contournerai l’obstacle

Au début, je n’arrêtais pas de me plaindre et de me disputer avec eux, mais je voyais qu’on tournait en rond. Je perdais de l’énergie inutilement, cela devenait toxique pour moi. Plus je grandissais, plus j’ai appris à passer outre ça et à vivre avec. Après tout, on finira tous par mourir, cette vie n’est qu’un passage et des épreuves pour l’au-delà. Autant faire le maximum pour réussir au lieu de perdre mon temps.

Désobéir à mes parents m’empêcherait de dormir. Ma conscience ne serait pas tranquille puisqu’après tout, ce sont eux les adultes, ce sont eux qui connaissent la vie. Mais les réactions me font toujours rire. Comme quand je voulais me mettre du Labello coloré : mon père m’a tout de suite stoppée, alors que c’était juste pour hydrater mes lèvres. Malgré ça, je compte reprendre un sport l’année prochaine. N’importe lequel, je veux en tester tellement. Cette situation ne me fera que changer de sport. Je resterai têtue jusqu’à la fin, il faut juste apprendre à contourner l’obstacle quand il est infranchissable.

Myriam, 17 ans, lycéenne, Île-de-France

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