Myriam P. 06/07/2023

Pourquoi la violence se généralise dans mon quartier ?

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Entre le trafic, les règlements de compte, et les courses de voiture et scooter dans leur quartier, Myriam et ses frères n'osent plus sortir de chez eux.

Dans le quartier de Marseille où j’habite depuis ma naissance, il y a beaucoup de morts et de trafic de drogue. Les morts sont dus à des règlements de compte. Toute personne peut être tuée, peu importe son âge ou son genre.

Dans mon quartier, il y a trois bâtiments. Le premier est calme, car il y a une école élémentaire. Les dealers respectent encore les enfants. Dans les 2 et 3, c’est là que les choses se passent. Dans le deuxième bâtiment, juste à côté des ascenseurs, il y a un compteur électrique. C’est là qu’ils coupent le courant du rez-de-chaussée, pour vendre de la drogue toute la nuit jusqu’à 7 heures.

Ils reviennent chaque soir. Habitant le bâtiment 2, je les vois à 17 heures quand je rentre, et le matin à 7 heures quand je pars pour l’école. La nuit, j’entends souvent crier : « Aaaaaakhkhkhkhaaaa. » Probablement des bagarres. Ça m’énerve, m’empêche de dormir, me dérange. Je suis fatiguée.

Même plus étonnée

Pendant l’été 2022, tôt le matin, une personne dont j’ignore l’âge exact s’est fait tuer dans mon bâtiment. C’était dans les escaliers au deuxième étage, il est décédé à la suite de plusieurs coups de couteau. Je l’ai su car, vers 10 heures du matin, je sortais de chez moi avec mes frères et je suis tombée nez à nez avec la foule à l’extérieur. Tous les habitants du bâtiment étaient sortis et toutes les routes autour étaient fermées.

La scène ne m’a pas étonnée, c’est le quotidien ici. J’ai pris l’habitude d’éviter de prendre les escaliers, j’emprunte toujours l’ascenseur, on ne sait jamais sur qui ou sur quoi on peut tomber.

En décembre 2022, un autre événement similaire est arrivé près de chez moi. Un jeune de 18 ans s’est fait tuer. J’ignore si c’était dans le bâtiment ou devant. En tout cas, il a reçu plusieurs balles dans la tête. Encore une vie gâchée, une famille en deuil, une peur toujours alimentée par de nouvelles violences.

Ma mère ne veut pas qu’on sorte

Pourquoi la violence se généralise dans mon quartier ? Est-ce parce qu’il n’y a que des voyous qui imposent leurs règles ? Est-ce parce que le quartier est abandonné ? Je me rends compte qu’il n’y a pas de commissariat. Il me semble qu’il me faut changer d’arrondissement pour avoir accès à la police. Que fait-elle ? Pourquoi, quand il y a beaucoup de violence dans mon quartier, elle n’intervient pas ? Et puis pourquoi on n’en parle pas dans les médias et sur les réseaux sociaux ?

Ma mère ne veut pas qu’on sorte, à part pour l’école ou pour faire les courses avec elle. Même mes grands frères de 20 et 17 ans ne sortent pas. Il faut dire que ma mère est traumatisée par l’accident de mon grand-frère. Il s’est fait renverser par une voiture en sortant du bus récemment : fracture du crâne. Car en plus de la drogue, il y a la délinquance routière : les courses de voitures ou de scooters sont usuelles. Darmanin appelle ça les rodéos urbains.

Ma famille demande souvent à déménager de ce quartier si dangereux pour un autre logement social. Mais on nous propose pire. Moi, je voudrais juste que mon quartier devienne un quartier normal.

Myriam, 16 ans, lycéenne, Marseille

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