Je suis prise entre deux cultures, entre Mayotte et la Réunion
Je suis née à la Réunion, à Saint-Denis. J’ai toujours vécu ici. Mais mes parents, eux, sont mahorais.
Ils sont arrivés quand ils étaient jeunes. Ma mère pour suivre une formation petite enfance, et mon père des études de coiffure. Quand je suis née, nous habitions déjà à Saint-Louis. Mais nous avons toujours fait des allers-retours réguliers à Saint-Denis pour voir des membres de ma famille, notamment ma tante et mes cousins.
On a toujours fait des allers-retours à Mayotte aussi. J’ai un peu l’impression d’avoir grandi là-bas, on y passait des étés entiers. Quand j’étais petite, j’étais vraiment heureuse d’y aller. J’y retrouvais mes cousins et cousines, on jouait, on mangeait plein de choses et j’adorais ce que ma grand-mère faisait. Et surtout, les chewing-gums, les bonbons et les sorbets qu’elle nous offrait.
Ça fait plusieurs années que je n’y suis pas retournée car, là-bas, les choses ont changé. Ma famille nous raconte que c’est devenu dangereux et je le vois sur les réseaux sociaux. Il y a des gens qui se font tuer, des bandits. Ça me fait peur, et ça ne me donne plus envie d’y aller. Mais, surtout, j’ai peur pour mes proches qui y vivent toujours. J’avoue que je me sens plus en sécurité ici, à la Réunion. Mais je ne pourrais jamais choisir entre les deux îles.
On faisait le debaa, un souvenir génial
Il y a quelque chose que j’aime particulièrement dans ma culture mahoraise, une tradition qui s’appelle le déba ou debaa. C’est un mélange de danse, de musique et de chant traditionnel. Ce sont des femmes, mères, jeunes filles, qui le pratiquent. On me l’a enseignée à l’école coranique. C’est aussi là que j’ai appris à lire le livre islamique. Avec un groupe de filles, on s’entraînait et on faisait le debaa. C’est vraiment un moment génial. On nous a même filmées pour qu’on en garde un souvenir.
Malheureusement, je ne le fais plus parce que j’ai déménagé. Je faisais ça dans la cité où j’habitais avant. Ça me manque beaucoup, surtout parce que ça me permettait d’avoir un moment avec d’autres Mahoraises, comme moi. Puis, je trouve ça très important de connaître ma culture, de la pratiquer. Ça a toujours beaucoup compté pour mes parents aussi.
Différente, car je ne parle pas créole
À Mayotte, ça m’est arrivé que des gens me fixent parce que je suis plus claire de peau que mes parents. Ici, ce n’est pas ça qui choque, c’est ma façon de parler. Certaines personnes me font ressentir que je suis différente juste parce que je ne parle pas créole. Je me sens rejetée à cause de ces réflexions, mais aussi à cause des blagues sur les Mahorais.
Pourtant, je comprends le créole. Alors, je ne vois pas ce que ça change. Même sans ça, je suis réunionnaise. Plus tard, j’aimerais aller vivre en métropole pour rejoindre le reste de ma famille. J’ai l’impression que, là-bas, ce sera peut-être plus simple de vivre ces deux cultures.
Mouna, 14 ans, collégienne, Saint-Louis (La Réunion)