Redoubler m’a créé une phobie scolaire

Redoubler, ça a changé ma vie. Et pas en bien.

C’était en CM1. Mes parents et mon prof ont pris cette décision en pensant que c’était mieux. Ce n’était pas une question de notes. Le CM1, c’est une des classes les plus faciles. J’avais de bons résultats, je ne comprenais donc pas pourquoi. J’avais de bons souvenirs du CM1. C’est la seule année où j’ai eu confiance en moi.

J’en voulais aux adultes

Je n’aimais pas vraiment l’école. Se lever le matin, c’était impossible, j’avais la flemme. J’ai donc eu beaucoup d’absences. Je n’ai vu que cette explication. Mais redoubler juste pour ça, je l’ai vécu comme une injustice. On ne m’a même pas proposé de participer à la décision. Alors que ça concernait ma vie !

J’en ai donc beaucoup voulu au prof et à mes parents. À cette époque, j’étais jeune et je n’avais pas la même maturité. Redoubler a été un drame. J’ai eu l’impression de tout perdre. Tout m’échappait. J’avais l’impression d’être nulle, alors que j’avais de bonnes notes. Je me suis sentie différente de mes camarades qui passaient au niveau supérieur et j’ai totalement perdu confiance en moi. J’ai essayé de parler de cette situation et de ma tristesse aux adultes. Mais personne n’a voulu entendre ma souffrance. Je voulais juste être normale.

Redoubler, adieu la confiance en moi

Le jour de la rentrée suivante, mes anciennes copines sont passées devant moi. Elles m’ont regardée en me disant ces mots qui m’ont fait mal : « Nous nous sommes au CM2, et toi au CM1 ».  Avant, je m’entendais avec tout le monde, j’étais quelqu’un de très sociable. J’ai perdu la totalité de mes amies. Tout le monde m’a laissé tomber et se moquait de moi.

J’ai remonté la pente en me faisant d’autres amies. Puis le CM2 s’est bien passé. Mais à partir de la 6e, ce cauchemar du passé est revenu me hanter. J’avais peur d’être abandonnée par mes amies. J’ai fait une dépression. Je suis devenue quelqu’un d’isolé, qui sortait peu. En 4e, j’étais tellement bloquée que j’ai craqué complètement. Il s’est passé énormément de choses en peu de temps. J’ai perdu mon animal de compagnie, ma grande sœur est partie loin… Cela m’a fait beaucoup de peine. Je devais aussi digérer le fait que mes amies ne comprenaient pas que je me sente seule.

Rester forte et remonter la pente

J’ai tout lâché. J’étais tellement triste que je me suis laissée aller. J’ai commencé à avoir des mauvais résultats, je laissais s’éloigner mes amies sans rien faire. Mes parents et la CPE ont tout fait pour savoir ce qui se cachait derrière tout ça. Ils en ont déduit que je faisais une phobie scolaire. J’étais d’accord avec cette conclusion. J’ai donc vu des psychologues. J’ai quitté mon collège pour aller dans un nouvel établissement. Pour retrouver une nouvelle vie.

Je suis arrivée ici, et je pense que c’était une des meilleures choses possible. Petit à petit, j’ai repris confiance en moi. J’ai retravaillé pour obtenir de bons résultats. J’ai décidé d’être heureuse. Ne plus me rabaisser vers mon côté sombre.

Nouveau collège, nouvelle vision de la vie

Ici, j’ai vu le monde réel. J’ai changé ma façon de penser. Je crois que la vie, il faut la vivre malgré tout et profiter de chaque instant. Maintenant, ma vie est réelle. Avant, je pensais que la vie, ce n’était que des choses bien. Maintenant, je sais que le mal peut arriver. Parfois, on peut avoir mal ou peur, et parfois, on peut être heureuse et avoir de bons souvenirs. C’est ça, pour moi, une vie réelle.

C’était la peur qui contrôlait mes humeurs. Aujourd’hui, j’essaye de gérer cela toute seule. Je sais qu’une peur, on ne peut pas l’enlever. Elle sera toujours là à m’accompagner. Mais il ne faut pas la laisser prendre le contrôle de sa vie.

Même si le redoublement ou l’abandon ont été de grands coups, ça m’a au moins appris que la vie pouvait nous décevoir. Redoubler n’est pas une solution. Cela a été pour moi un traumatisme, mais ça m’a aidée à voir les choses autrement. Maintenant, tous ces malheurs sont derrière moi. Je suis heureuse, j’ai des amies, une famille,  et même de bons résultats. La seule solution pour avancer, c’est d’accepter le passé.

Marie, 17 ans, lycéenne, Montpellier