Retour à Mayotte en plein cyclone
Ce voyage pour Mayotte, on l’a préparé pendant deux ans. C’est un voyage très cher, donc ma famille a beaucoup économisé. J’étais heureuse et très excitée. Je suis née à Mayotte mais je n’y étais pas retournée depuis notre arrivée en métropole, quand j’avais 12 ans.
Le 5 décembre 2024, on y est partis pour un mois. Ma mère, mes trois sœurs, mes trois neveux et nièces, mon frère et moi. On savait qu’il y allait avoir un cyclone. Il y en a souvent à Mayotte. On n’imaginait pas du tout que ce serait si violent…
Nous avons passé une première semaine incroyable. On a assisté à deux mariages. On a redécouvert plein d’endroits que l’on n’avait plus en tête, des plages, des villages, des restaurants…
Confinée chez sa tante
Le soir du vendredi 13 décembre, tous les téléphones ont sonné avec une sonnerie spéciale, un peu comme pour les attentats. C’était un message d’alerte du préfet de Mayotte : « Alerte extrêmement grave, danger exceptionnel, le confinement de la population est nécessaire. » Il était indiqué de se confiner chez soi, de ne pas circuler, de s’éloigner des fenêtres et des ouvertures, et de ne téléphoner qu’en cas de nécessité.
Notre maison, qui est vieille, était en plein travaux. On a donc décidé d’aller se réfugier chez ma tante, juste à côté. Sa maison est plus solide et elle est grande. On a choisi de rester tous ensemble. Mes deux tantes, ma grand-mère, ma mère, mes frères et sœurs, mes neveux et nièces, des cousins et cousines, et moi. On était très nombreux chez elle !
J’étais stressée et j’avais peur. C’était la première fois que j’allais assister à un cyclone. Le lendemain matin, on a reçu une deuxième alerte pour prévenir qu’il était imminent et qu’il fallait rester à l’abri.
Le cyclone est arrivé à 9h30 et il a duré plus de quatre heures. Au début, la tempête était calme, avec un peu de vent et beaucoup de pluie. C’était un peu comme d’habitude, rien de spécial. On s’est dit qu’il n’y aurait rien de grave. Ensuite, les vents ont commencé à augmenter et la pluie à s’intensifier. Ça faisait peur.
À Mayotte, il y a énormément de cases en tôle et, avec le vent, tout est parti… On en a vu arrachées dans notre rue. Heureusement, les gens n’étaient pas dedans. Ils étaient réfugiés dans des écoles ou des gymnases. Dans les champs, tous les arbres étaient couchés par terre.
Aux environs de 14 heures, le cyclone s’est calmé. On a pu sortir pour constater les dégâts. Les rues ne ressemblaient à rien. Les fils électriques des poteaux étaient cassés, tout était au sol, il y avait des morceaux de tôle partout, beaucoup de boue, des arbres tombés qui barraient les routes, des inondations. Je n’arrivais pas à réaliser que je venais de vivre un cyclone. Ma grand-mère nous a expliqué que c’était la deuxième pire tempête qu’elle avait vue de son vivant. Toute l’île a été touchée, mais c’est surtout le nord qui a été impacté, là où nous étions.
Pas d’eau, pas de réseau
Autour de 17 heures, le soleil a commencé à se coucher. On n’avait pas de réseau depuis le matin et on a compris que l’eau et l’électricité ne reviendraient pas. On pensait que tout reviendrait à la normale le lendemain… Ça a duré plusieurs semaines.
On a dû acheter de l’eau en bouteille, quand il y en avait et quand les prix étaient abordables. On devait régler en espèces parce que sans réseau internet, pas de paiement par carte possible… On était obligés d’aller dans le sud de l’île pour pouvoir retirer de l’argent et parfois on faisait jusqu’à deux heures de queue pour accéder aux guichets.
Il a fallu attendre deux semaines pour que la lumière revienne, mais seulement dans les habitations, pas à l’extérieur. Le réseau téléphonique a aussi été rétabli, mais pas internet. Je me suis ennuyée car je ne pouvais pas regarder mes séries. Heureusement qu’il y avait mes cousins et cousines pour faire des jeux de société ou aller à la plage.
On ne pouvait ni appeler ni accéder aux réseaux sociaux. Il fallait descendre dans le sud pour pouvoir appeler, ce qui n’était pas tout le temps possible parce que soit mon cousin n’était pas disponible, soit il n’y avait pas de carburant. Malgré tous ces événements, on a réussi quand même à profiter un peu des deux semaines qu’il nous restait.
Le 12 janvier 2025, on est rentrés en métropole. On avait de l’appréhension quand on est arrivés à l’aéroport de Mayotte car il y avait beaucoup de vols annulés ou reportés à cause des dégâts causés par le cyclone. Il y avait la queue à l’extérieur de l’aéroport.
Depuis, je suis restée en contact avec des cousins et cousines. Ils me racontent comment ça se passe là-bas. L’eau est revenue mais elle n’est pas toujours potable. Le réseau aussi, en février, mais la qualité n’est pas top.
Même si Mayotte me manque, je suis quand même soulagée d’être revenue à Brest. Ici, il n’y a pas de problème de réseau, d’accès à l’eau et à la nourriture.
Nayanti, 20 ans, en formation, Brest
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« Les corvées d’eau, c’est pour mes soeurs et moi » par Naïda, 14 ans. À Mayotte, elle et ses sœurs parcourent chaque jour de longues distances pour aller chercher de l’eau. Pour se laver, pour cuisiner et pour boire. La collégienne raconte cette quête quotidienne, bidons à la main.