Ma réussite, l’obsession de mes parents
Mes parents n’ont qu’une seule chose en tête : ma réussite, et cela à tout prix. Je vous l’avoue, c’est très dur mentalement. Ma relation avec eux est compliquée. Avec l’un et avec l’autre, pour des raisons différentes.
Je pense que l’histoire de mon père, son enfance, y est pour beaucoup. Mon père et moi, nous avons sans doute du mal à nous en détacher. Après tout, c’est nous, notre histoire… Elle est si marquante qu’elle est comme collée à moi.
L’ombre de l’histoire de mon père
Mon père, lui, il s’est construit seul, maltraité par tous les membres de sa famille. Elle est immense, composée d’une trentaine d’enfants tous descendants d’un seul, unique et commun père.
À l’âge de 13 ans, mon père a quitté son domicile familial, parce qu’il en avait ras-le-bol. Il craignait aussi de terminer sa vie sans réel statut social, pour ne pas dire « SDF », et ainsi de représenter une honte pour sa famille. D’autant plus que son père était un noble très respecté et reconnu, possédant un haut statut social. Il s’est donc retrouvé très jeune à la rue, confronté donc à une réalité parfois cruelle, mêlant famine et hostilité. Malgré cela, jamais il ne s’est laissé abattre, multipliant de petits emplois, certains rémunérés, d’autres non. Dans ce milieu, il y fit des rencontres plus ou moins fructueuses, ce qui lui a permis d’arriver en France à ses 23 ans, un accomplissement qui lui paraissait impossible plus jeune.
Et ma jeunesse dans tout ça ?
La vie a été plus clémente à mon égard, enfin… plus ou moins pour l’instant. En effet, je ne survis pas tel que mon père a dû le faire. Cependant, l’exigence de mes parents à l’égard de mon avenir est si forte qu’elle m’oppresse.
Ils me responsabilisent énormément en m’impliquant dans la vie de leur petite entreprise de carrelage. Ils me demandent d’effectuer de multiples tâches, comme créer des devis et des factures. Ils n’ont pas vraiment besoin d’embaucher quelqu’un en plus. Je pense que, pour eux, c’est une manière de me dévoiler le monde du travail. Mon père ne m’a pas dit qu’il voudrait que je reprenne l’entreprise. Mais c’est quelque chose qu’il a fondé et qu’il n’aimerait pas voir s’effondrer juste après lui. D’autant plus qu’il s’est beaucoup sacrifié pour celle-ci, jusqu’à aujourd’hui.
D’un autre côté, j’ai parfois le sentiment de laisser passer ma jeunesse mais je m’y résous souvent en me disant que c’est un devoir pour moi en tant qu’enfant d’aider mes parents. D’une autre part, l’obsession pesante de mes parents pour ma réussite m’écrase à un tel point que je me renferme sur moi-même. À la maison, je ne suis pas la même personne qu’à l’extérieur. Je suis introverti, je ne parle pas beaucoup. Quand je suis dehors, je rigole.
Exemplaire malgré moi
Mes parents attendent de moi que je sois exemplaire ou du moins que je m’en rapproche le plus possible, aussi bien à l’école, c’est-à-dire sur le plan intellectuel ; qu’à la maison, socialement et humainement donc… D’autant plus que je suis l’aîné d’une fratrie de deux garçons. Mes parents veulent que mon petit frère s’identifie à moi et que lui aussi se dévoue à sa « réussite ». Ce qui n’est pas à mon avantage car mon petit frère, contrairement à moi, est bien plus communicatif et expressif. Ainsi, mes parents trouvent en lui une certaine vigueur.
Lorsque je n’agis pas en faveur de mes « devoirs », mes parents me font des remarques parfois marquantes ou troublantes, telles que : « J’ai peur pour ton avenir ! Tu m’inquiètes ! Aurais-tu un problème psychologique ? Tu agis bêtement ! Tu deviens mon principal souci, parfois j’ai même honte, je me pose beaucoup de questions sur toi ! Ton frère est bien plus entreprenant, contrairement à toi, on dirait que tu n’as aucune motivation, c’est effrayant ! »
Face à ces propos, je ne réagis pas. Ça me touche, mais je me dis que je ne dois pas rester là-dessus, car me connaissant je risque de m’accabler. Ainsi, je perdrais une certaine insouciance qui me permet de garder confiance en moi. En réalité, je ne veux pas prendre en compte ces propos, je préfère les oublier afin d’avancer…
Koffi, 15 ans, lycéen, Vitré