Valentin B. 02/05/2023

Roux et trop visible malgré moi

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Valentin entend petits et grands commenter sa couleur de cheveux. Au centre de l’attention, il fait tout pour se mettre à l’abri des regards.

« Sale roux », « espèce de roux » (comme si j’étais une espèce à part), ou « j’aime bien tes cheveux roux ». En bien comme en mal, ces remarques, c’était du pareil au même, ça me faisait me sentir différent, anormal, comme une bête de foire.

Quotidiennement, je suis exposé au regard des autres. Ces regards qui peuvent tout déstabiliser, mon esprit, mes pensées, mon état d’esprit. Un seul regard peut me mettre au fond du trou. J’ai beau essayer de ne pas y faire attention, c’est plus fort que moi. J’ai déjà été mis au centre de l’attention contre mon gré. Comme cette remarque d’un prof, même s’il ne pensait pas mal faire.

Je pense que cette sorte de phobie sociale est due à ma couleur de cheveux, ça n’a pas toujours été facile à porter. Je voulais simplement être comme tout le monde, tranquille, dans mon coin, sans qu’on me remarque.

Les remarques affluaient et m’affectaient tellement que mon caractère en est devenu spécial. Pour me faire discret, peu importe la situation, j’étais toujours habillé sobrement et très souvent en noir. Je me mettais toujours au fond, le plus loin possible, pour n’être vu de personne. Instinctivement, je le fais encore, même si je ressens moins le besoin d’être discret.

Des remarques tout le temps, par tout le monde

Les gens m’appelaient « le rouquin », « le roux » ou encore « la citrouille ». Ils se croyaient drôles, originaux. Moi, je faisais mine de rien, je me disais que c’était juste pour rire. Mais les meilleures blagues sont les plus courtes, et cette pseudo blague a duré pendant six ans, du CM1 à la troisième.

Comme beaucoup de monde le dit, parler d’un harcèlement n’est pas simple. J’ai reçu des remarques de gens de tous les âges. Même si, au fil des années, j’ai pu constater la différence entre les enfants immatures qui se croyaient drôles en étant méchants et bêtes, et les adultes maladroits sans s’en rendre compte. Même ma famille m’en a déjà fait. Je suis le seul à être roux, c’est souvent la question qu’on me pose.

Heureusement, à l’école, tout ça s’est arrêté aux paroles, mais c’est déjà trop. J’avais honte de me plaindre à mes parents pour une « simple blague ». J’étais très complexé. Je leur en ai parlé indirectement, en leur demandant de faire une teinture ; chose qu’ils ont refusé. Ils me disaient que ça serait du gâchis, car j’ai une jolie couleur et qu’elle est rare, même si ce n’est pas mon ressenti.

Dans ma chambre, porte fermée

Je me suis beaucoup limité à cause de ça. Que ce soit pour prendre la parole, parler avec des gens ou en amour, j’ai toujours réfléchi à deux fois. Pour l’amour, je n’ai jamais osé, en me disant qu’il y avait toujours mieux. Je me suis toujours dit que j’avais la mauvaise réponse pour l’école.

L’endroit où je me sens le mieux c’est dans ma chambre, porte fermée. J’y ai passé toute mon enfance. Un mur ne peut pas me juger donc ça me laisse l’esprit tranquille. J’ai toujours beaucoup joué aux jeux vidéo, ça me permettait d’être moi-même. J’ai toujours préféré les contacts à travers des jeux car les gens n’y jugent que ton niveau, et rien d’autre. C’est grâce à ça que je me suis fait beaucoup d’amis. C’était mes sorties à moi, bien que ce ne soit pas dans la vraie vie.

C’est vraiment depuis cette année que je commence à sortir régulièrement. À partir de la seconde, on peut vraiment être soi, sans jugement, parce qu’il y a forcément des gens comme nous et que le lycée rend les gens plus matures. Je ne subis plus ce genre de harcèlement et de blagues de très mauvais goût. Ça me permet de me décoincer, de devenir plus sociable et plus sûr de moi.

Valentin, 15 ans, lycéen, Rambouillet

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