Sa présomption d’innocence avant ma parole
« Si tu en parles, tout le monde te prendra pour une pute. » En seconde, mon copain m’envoyait ces mots charmants. Il changeait parfois d’humeur avec de jolis messages comme : « Je trouve que nous avons fait une erreur » ou « Nous sommes allés trop vite ». Toutes ces phrases ne faisaient que me faire douter et dévastaient mon esprit tout juste traumatisé.
En plus de tout ça, sa belle influence sur les autres m’a éloignée de l’ensemble de la classe. Mon mental s’effondrait. Tout le monde l’appréciait, au contraire de moi qui suscitais des avis plus mitigés. Plus je m’éloignais des autres, plus ma santé mentale se dégradait. Couplé avec mon oubli traumatique, ça représentait un cercle vicieux beaucoup trop difficile pour en sortir par moi-même.
L’appel de sa mère
Plusieurs mois après, c’est sa mère qui s’y met. À croire que c’est de famille. J’ai enfin réussi à en parler à mes parents. C’est un choc, et pas des moindres, pour ma famille.
Le même soir, sa famille est mise au courant que j’ai enfin tout raconté. Sa mère prend le combiné pour protéger son fils qui, d’après elle, est la victime dans cette histoire. Je crois bien que c’est le coup de fil le plus violent que j’ai jamais vécu.
Entre des comparaisons avec bon nombre d’animaux et des insultes variées alambiquées, elle me traite de menteuse. Elle a, d’après ses dires, vécu la même chose que moi et peut donc certifier et affirmer que son fils n’est pas un violeur, que tout cela a été consenti et que donc, par conséquent, je ne diffame son fils que pour venger mon amour blessé.
La chose qui m’a le plus amochée, je pense, est qu’il a reconnu, quelques semaines plus tôt toute sa responsabilité. Mais devant le fait accompli, il s’est liquéfié. J’ai donc porté plainte contre lui.
Réduite au silence
Après, ça s’enchaîne. Bizarrement, j’ai des pressions de tous les côtés et même que je n’aurais pas soupçonné. Mon lycée, que j’ai maintenant quitté, était et est encore un des premiers lycées hôteliers d’Ile-de-France, mais à quel prix ? Quand j’ai parlé à mes parents, ils en ont parlé au lycée afin de prévoir des aménagements, car mon ex-copain était dans ma petite classe de 19 personnes, derrière moi à tous les cours, et dans mon groupe.
Quelques jours et beaucoup de crises de stress plus tard, on me demande de venir dans le bureau de l’infirmière. Là-bas m’y attend, en plus d’elle, ma CPE. À la base, la réunion est censée servir à parler des mesures à mettre en place pour éviter que je ne sois sujette aux ulcères, à cause du stress. Quelques changements sont faits : un changement de place et un changement de groupe. Rien d’extraordinaire malheureusement. Mais la réunion dévie.
Après quelques phrases de convenance, la discussion part sur la nécessité de ne pas en parler autour de moi, de n’en parler à personne. Vous comprenez, d’après elles, ça va me porter préjudice. Finalement, ce n’est qu’une belle transcription du fameux message que j’ai reçu un an plus tôt : « Si tu en parles, tout le monde te prendra pour une pute. »
Mon proviseur furieux
Un mois plus tard, alors que je sais déjà que je vais quitter ce lycée, je prends mon courage à deux mains pour dénoncer les actes dont j’ai été victime. Ce jour-là, en fin de journée, mon proviseur vient dans notre classe, furieux. Qu’a-t-il bien pu se passer ? J’ai parlé. Il hurle qu’il y a présomption d’innocence et que nous sommes immatures d’en parler. Minimisant encore ma parole. Pour eux, je suis responsable. En tant que telle, je dois avoir honte. J’apprends, le soir-même, qu’il a même appelé ma mère.
J’ai changé de lycée et j’ai pu m’éloigner de tout ce monde pour enfin entamer ma reconstruction.
Cela fait maintenant plus de deux ans que j’ai porté plainte. J’ai été entendue la semaine suivante par un psychologue afin de déterminer la véracité des faits que j’énonçais, expérience peu agréable que je ne recommande à personne. Après cela, plus aucune nouvelle. Le pire a été quand j’ai appris que lui n’avait même pas été entendu.
Ce n’est qu’il y a quelques mois, en octobre il me semble, que j’ai eu des nouvelles. Un appel bref et troublant où un homme me dit qu’il m’appelle par rapport à une vieille plainte. Il me demande juste si je suis toujours en contact avec mon ex. Je lui réponds que non. Il me remercie, puis raccroche. Je crois que je n’en ai pas encore fini avec tout ça.
Adeline, 18 ans, étudiante, Ile-de-France