Nora W. 08/11/2022

Seule fille de mon bac pro, j’ai trouvé ma place

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Au lycée, Nora choisit un bac pro électronique. Une filière quasi exclusivement masculine, au grand dam de sa famille.

Je suis une fille et j’ai fait un bac pro électrotechnique. En dix ans, j’étais la deuxième fille de l’histoire du lycée.

En filière générale, il y avait trop de compétition. On comparait les élèves entre eux en permanence. Par exemple, quand mon prof de physique-chimie rendait des copies, il faisait des commentaires sur chaque élève. Donc quand il y avait des mauvaises copies, il le disait aussi devant tout le monde. Il y a eu un moment où, quand je devais me lever pour aller au lycée, je me mettais à pleurer.

Après la crise Covid et le distanciel, je ne voulais plus continuer. En première, j’ai choisi de m’orienter vers une pro électrotechnique. Pour moi, c’était évident. Je n’ai même pas réfléchi. Ma CPE était contente pour moi, même si c’est une filière dans laquelle il n’y a que des garçons. Elle m’a même dit : « Ah bah s’il y a un problème d’électricité dans le lycée un jour, on t’appellera ! » Quand je suis arrivée en pro, mes profs m’ont redonnée le goût de l’école.

Pour ma famille, « pas un truc de filles »

Quand j’ai annoncé la nouvelle à ma famille, ma mère, ma sœur et ma belle-sœur m’ont soutenue. À l’époque, mes frères avaient 22 et 25 ans. Ils considéraient que l’électrotechnique, ce n’était pas pour les filles. Ils trouvaient ça dommage que je ne continue pas en général mais ça s’est arrêté là. Alors qu’avec mon père, on ne s’est plus parlé pendant un an et demi.

Je ne sais pas vraiment s’il ne voulait pas que j’y aille « parce que je suis une fille » ou parce qu’il avait peur que je me fasse agresser. Il me voyait plus dans une filière du genre petite enfance ou quelque chose comme ça. Alors que pour moi, ce genre de métiers, c’est mort. Quand il a perdu sa mère, il s’est adouci. C’est là qu’on s’est enfin reparlés.

Durant mon stage, quand j’allais sur les chantiers, je ne voyais rien de tout ce que mon père pouvait craindre. J’avais des relations cordiales avec tout le monde. C’est vrai que le premier jour, il y avait un ou deux garçons qui étaient surpris de me voir. Mais après, c’était bon. Aujourd’hui, ma famille me soutient. L’année dernière, on était chez mon frère. Le disjoncteur a sauté. On s’est retrouvés dans le noir et il m’a demandé de réparer !

Travaux manuels, pas que pour les garçons

En première année, on doit beaucoup câbler (c’est le fait de prendre des fils électriques, pour relier le disjoncteur au transformateur). Contrairement au BTS où on peut faire des stages à la SNCF ou à EDF, en bac pro, on va plus aller sur des chantiers ou faire de la maintenance à Carrefour. C’est pour cela que les garçons vont plus s’orienter dans ces domaines.

On apprend la maintenance, le fonctionnement des machines, des moteurs… C’est vraiment intéressant ! À chaque fois qu’on avait des câblages à faire, j’ai toujours réussi. J’étais aussi bonne que les garçons, il n’y avait pas de différence.

En bac pro, je suis enfin à ma place

Je n’avais aucune appréhension à l’idée d’aller dans un lycée où je serais la seule fille. C’est bizarre, mais j’ai plus de facilité à parler à des garçons qu’à des filles. J’ai grandi avec des frères et j’ai toujours été un « garçon manqué ». Quand j’étais petite, j’imitais tout le temps mon frère, j’essayais de m’habiller comme lui.

Comme j’étais la seule fille, les profs me chouchoutaient. J’étais LA nouvelle. Je me rappelle qu’en première, dès le premier jour, les élèves n’arrêtaient pas de me dire « Viens ! reste avec nous ! » pour me mettre à l’aise. Je me suis fait des potes dans ma classe alors que je n’en avais jamais eu avant. Avec les garçons, on rigolait tous ensemble. C’est ce qui a fait que je me suis sentie à ma place.

Nora, 19 ans, en recherche d’emploi, Noisy-le-Sec

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