Karine S. 21/04/2022

Sortir seule, le soir : c’est possible !

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Karine aime bien faire des choses seule. Sortir le soir, boire un verre avec des inconnus, ou carrément partir en voyage.

Mardi soir, minuit. Je sors dans mon quartier pour acheter des cigarettes, non loin de la rue Mouffetard dans le 5e arrondissement de Paris. Soudainement, je tombe sur un ex-collègue de boulot, Max. C’est complètement incongru et, le connaissant, je m’attends à une soirée mémorable.

Max, c’est comme Marty, le héros de Retour vers le futur : jean troué, sweat fluo, Nike Air, casquette rétro vissée à l’envers sur le crâne, et toujours une pensée qui part en live à plus de 100 km/h. Sa musique d’autohypnose mise à fond sur son portable, il m’avoue qu’il cherche de l’alcool et qu’il est avec un ami dans le quartier. Je l’accompagne à l’épicerie et nous décidons tous ensemble d’aller aux Arènes de Lutèce.

La nuit est noire, le quartier désert et l’air frais, en ce mois de février. Nous prenons la rue Monge, pour tourner rue de Navarre et enfin arriver aux Arènes. Elles forment un amphithéâtre, comportant à la fois une scène pour les représentations théâtrales et une arène pour les combats de gladiateurs. Silencieusement, nous nous faisons mutuellement la courte échelle et enjambons les barrières.

Plus de quatre heures à refaire le monde

Je passe une soirée complètement dingue avec des gens que je connais à peine. Max est surexcité, il bouge partout et veut prendre de la kétamine. Il sort le pochon et m’en propose. J’hésite car je n’en ai jamais pris. J’ai un peu peur de perdre le contrôle ou que cela me rende malade. Je ne sais pas si ce sont les effets de l’alcool et/ou de la drogue, mais Max et son pote décident de se mettre nus. Ils courent ensuite en plein milieu de l’arène pour se battre, et ce pendant deux heures.

4 h 30 du matin. Il commence à se faire tard. Ou tôt, cela dépend du point de vue. Fatigués, nous rangeons les bouteilles, nettoyons les mégots de cigarettes et le reste. Nous repassons par le même endroit pour nous enfuir, tels de valeureux mousquetaires. Après avoir bravé mille dangers, nous devons désormais regagner nos chaumières, sans nous dire ni tout à fait au revoir ni tout à fait à bientôt. Nous savons que nous avons passé plus de quatre heures ensemble à refaire le monde, à prendre de l’alcool et des drogues, seuls au milieu d’arènes historiques au sein de la ville Lumière, bien que nous nous connaissons peu.

Cette expérience m’a poussée à voyager seule

En bravant les incertitudes, les risques et le regard des autres en sortant seule, je me suis donnée une chance pour me créer des souvenirs de jeunesse uniques. Cette expérience aux Arènes m’a donné confiance en moi et m’a poussée à voyager seule. Même si je sais qu’il faut toujours faire attention aux personnes qu’on rencontre et qu’on ne connaît pas ou peu.

Quelques mois plus tard, à 22 ans, je suis partie seule à Amsterdam le temps d’une journée. J’y ai rencontré un Hollandais très sympa qui m’a fait une visite de la ville, offert le thé et même raccompagnée jusqu’à la gare. Un an plus tard, durant l’été, je suis partie en Autriche où je suis restée quatre jours. J’y ai rencontré un Canadien devant une boîte de nuit underground avec lequel j’ai fumé un joint. Nous avons discuté toute la nuit, pour nous revoir ensuite à un concert de punk et au Nouvel An. Durant ce voyage, j’ai également discuté toute une nuit avec des Allemands qui allaient au Sziget Festival. J’ai aussi rencontré une Française lorsque je suis allée une semaine à Valence en Espagne l’année suivante. Elle y faisait un Erasmus.

Avant, je n’étais pas très rassurée

Avant, j’avais trop peur de ne pas savoir me débrouiller ou qu’il m’arrive quelque chose. Je pensais qu’il ne valait mieux pas parler à des inconnus ni sortir seule le soir quand on est une femme, encore moins à l’étranger. Je m’étais déjà fait suivre dans la rue à Paris en pleine journée et le soir, donc je n’étais pas très rassurée à l’idée d’aller boire un verre seule ou de sortir tard. Il m’était aussi déjà arrivé de me faire agresser sexuellement la nuit, dans les transports et après avoir fait du stop. Sur le coup, je n’avais pas su comment réagir car j’avais eu honte et je n’avais pas osé prévenir les forces de police, ni même en parler à ma famille.

User d’astuces pour ma sécurité

Une femme peut voyager dans le monde entier si elle le souhaite. Mais, pour ma part, je dois toujours faire attention. Et user de certaines astuces pour rester en sécurité : je ne sors jamais dans un périmètre trop éloigné de chez moi ou de mon point de chute. Je préviens toujours un proche, à qui j’envoie un message ou passe un appel durant la soirée. Le contrat implicite avec les rencontres que je fais est que cela reste éphémère : il n’y a pas d’échange de coordonnées avec les autres, je ne donne surtout pas mon adresse, et je ne pars pas trop tard. Généralement, je n’accepte pas de verre et je paie mes propres consommations. Si ce sont des personnes que je connais déjà et que je revois par hasard, il n’y a pas de souci : nous prenons de nos nouvelles et passons la soirée ensemble si nous le souhaitons.

Pour moi, sortir le soir ou voyager seule, c’est développer une certaine ouverture d’esprit, repousser les limites de mon confort personnel, éviter ou rejeter mes habitudes, et me rapprocher de générations ou cultures qui me sont inconnues. Alors, oui, une femme seule peut sortir la nuit, boire un verre, voire discuter avec d’autres personnes.

Karine, 32 ans, étudiante, Paris

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