Ellie T. 17/10/2022

J’étais son souffre-douleur avant d’être son amie

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Ellie voulait aider son ami face à sa dépression et ses envies suicidaires. Elle a fini par subir ses comportements violents.

Quand mon ami était petit, il avait des amis imaginaires. Progressivement, les voix dans sa tête ont commencé à le rabaisser. Elles lui disaient, par exemple, de sauter d’un immeuble. J’étais la seule personne vers qui il pouvait se tourner, à cause du manque de soutien de ses proches et de sa famille.

On s’est rencontrés au collège. Il se sentait seul et ne parlait pas beaucoup. Ses pensées devenaient de plus en plus difficiles à supporter. Il m’a dit que j’étais la seule à le remarquer et à s’intéresser à lui.

Quand il est passé à l’enseignement à domicile, j’ai passé plusieurs nuits blanches à l’aider à faire ses devoirs. Je savais que son problème ne pouvait pas être réglé d’un claquement de doigts, mais mon but était de l’aider à persévérer et garder espoir.

Son mal-être retombait sur moi

Je me suis vite retrouvée dépassée. Il a commencé à avoir des dépressions nerveuses qui provenaient de l’accumulation de ses pensées noires. Il avait des changements d’humeur, se dénigrait lui-même et avait des pensées suicidaires.

Une fois, il a voulu avaler tous les médicaments de sa grand-mère. Comme il ne voulait pas que j’appelle ses parents, je me sentais coincée. Alors, j’ai appelé mon père parce que je ne savais pas quoi faire. Même s’il comprenait que c’était difficile pour lui, mon père me disait d’arrêter d’être ami avec lui parce que ça me faisait clairement du mal.

Quand mon ami ne pouvait plus supporter son état, il explosait. Et si ce n’était pas sur lui-même, c’était sur moi que tout retombait. Il n’avait aucun problème à me pousser à bout. Il m’insultait de tous les noms et me disait qu’il me haïssait.

J’ai subi sa torture émotionnelle

Plusieurs fois, il m’a fait ce que j’appelle de la torture émotionnelle. Il me demandait de choisir sa méthode de suicide : se poignarder, sauter par une fenêtre, se pendre avec une ceinture, avaler une tonne de pilules… Quoi que je disais, il ignorait mes réponses. C’était comme parler à un mur. Il me disait beaucoup : « Tu t’en fiches ! », comme si je n’étais pas là pour lui.

La plupart du temps, ces moments se finissaient très soudainement. Il me laissait en « vu » et il allait dormir. Moi, je restais là, à lui parler, à le supplier, à prier qu’il ne soit pas mort. Et ça recommençait la semaine suivante.

Plus ça se passait, plus je me sentais mal. J’avais l’impression que mes efforts ne servaient à rien. Je ne pouvais en parler à personne et je ne pouvais même pas communiquer avec lui.

Je suis enfin devenue une amie normale

J’ai commencé à le haïr. À chaque fois qu’il me disait qu’il avait besoin de mon aide pour des choses simples comme faire ses devoirs, j’explosais en le poussant à s’occuper de ses problèmes tout seul. Je ressentais de la culpabilité pour cette haine que j’avais développée, car je savais que ce n’était pas le vrai lui. Mais, sans le vouloir, j’ai commencé à l’ignorer et il l’a très mal pris.

Après quelques mois sans nouvelles, il a fait le premier pas en s’excusant d’avoir mis trop de pression sur moi. Il m’a dit qu’avoir passé du temps sans moi lui avait fait réaliser à quel point j’étais une personne importante pour lui. Bien sûr, j’ai accepté ses excuses et je me suis excusée de ne pas avoir tenu ma promesse d’être toujours là pour lui.

Depuis ce jour, il ne m’a plus jamais fait de « torture émotionnelle » et il a commencé à demander mon consentement pour me parler de ses problèmes. Ça peut paraître bizarre, mais moi ça m’a beaucoup aidée car je me sentais enfin comme une amie et pas un parent. Il est maintenant à l’écoute de mes problèmes comme je le suis pour lui, et on est là l’un pour l’autre.

Ellie, 18 ans, lycéenne, Kremlin-Bicêtre

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