Mohamed Khelifa O. 11/07/2023

Sous les bombes (poème)

tags :

La famille de Mohamed Khelifa a vécu la guerre d'Algérie, la décennie noire, l'exil. Des traumatismes qu'ils lui ont transmis.

Mon grand-père est né à Oran en 1940,

En pleine Guerre mondiale,

Mon grand-père est né sous les bombes,

En apprenant sa date de naissance, j’ai compris.

 

En 1954, la guerre d’Algérie a éclaté,

Il avait 14 ans, il était tellement jeune,

Mon grand-père, qui était déjà né sous les bombes, doit aussi grandir sous les bombes…

Quelle vie traumatisante il a eue.

 

Moi, je ne suis pas né dans les bombes,

Lui, oui.

 

J’aurais préféré naître entre les bombes,

J’aurais vu la réalité de mes propres yeux,

Cette guerre sanglante,

J’aurais compris cette haine en moi,

Ces traumas transmis de génération en génération,

Le dépit, la frustration.

 

J’aurais risqué ma vie pour leur guerre,

J’aurais été un soldat des Algériens parmi les nombreux martyrs dans les villes algériennes,

Stressé ; torturé ; traumatisé par la guerre,

Je serais devenu un résistant.

 

Je ne pensais pas que la guerre algérienne avait été si violente et qu’il y avait eu autant de massacres,

Ce n’est pas dans nos cours d’histoire.

 

Quand j’avais 7 ans, ma mère est venue m’annoncer que mon grand-père était mort… à l’âge de 72 ans,

C’était en 2012.

 

Ma grand-mère est aussi née entre les bombes

Elle aussi est née en Algérie,

C’était en 1949.

Dans cette humble ville que les Ottomans, Italiens, Espagnols… avaient peuplé et baptisé,

Alger.

 

Je vais vous dire ce qu’elle me racontait, jusqu’à son décès il y a un mois.

Des millions d’Algériens marchaient dans les rues,

Quand soudain,

Une fusillade a éclaté,

Faisant beaucoup de morts et de dégâts.

Les colons avaient en otage beaucoup d’Algériens, ils les ont torturés jusqu’à la mort.

 

Elle m’a dit que les colons français étaient restés de 1830 à 1962,

L’indépendance a été un souffle d’espoir,

Un grand événement qui a mobilisé toute la nation,

Le 5 juillet 1962

Jour de fête !

L’Algérie libérée des troupes françaises !

 

Mes parents, eux, sont nés en Algérie dans les années 70,

Ils étaient encore enfants,

Et n’ont point connu la guerre,

Mais mon grand-père leur en a parlé de la guerre,

De la terreur.

 

Moi, j’écoutais et je m’imaginais les scènes dans ma tête.

 

Mes parents ont connu la décennie noire, dans les années 90.

Elle a débuté un 26 décembre 1991 et a pris fin le 8 février 2002.

Cette guerre opposait le gouvernement algérien et les divers groupes islamistes présents dans le pays.

Une sorte de guerre, mais civile, pas coloniale.

Je n’ai pas tout compris.

 

Mes parents sont partis le 25 septembre 2002 pour la France… après cette guerre civile, donc.

Ma mère ne m’avait jamais dit qu’il y avait eu une guerre, je viens de l’apprendre à l’instant.

Mes parents ont eu beaucoup de mal à s’adapter à Marseille, car ils n’avaient point d’argent et n’avaient pas de domicile ni rien de tout ça.

Il a fallu travailler au noir.

Mais sans les bombes.

 

L’arrivée de mon oncle et de ma grand-mère à la maison en 2012, après la mort de mon grand-père, a été difficile pour moi car ma grand-mère était déjà très malade.

À l’origine, elle était venue en France pour prendre des antibiotiques pour guérir.

Elle est morte près de moi.

La France et l’Algérie ont fermé leurs frontières.

Je ne peux pas y aller,

Même pour constater l’impact des bombes sur ma famille.

Mohamed Khelifa, 17 ans, lycéen, Marseille

Partager

Commenter