Eva B. 01/09/2024

Tel père, telle fille

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Eva et son père ont construit leur relation sur les terrains de tennis et dans les tribunes des grands tournois internationaux.

Je rebondis la balle. Une fois, deux fois, trois fois.

0-0. J’ai toutes mes chances et il faut que je me lance. Ma main droite, tenant la raquette de tennis, tremble, et mon cœur s’alourdit. C’est le stresse du début d’un match. Je jette la balle en l’air, je rapproche mon pied droit de mon pied gauche, je lève ma raquette, je saute et je frappe la balle devant moi. Tout ça se passe en trois secondes. « Faute ! » La balle ne rentre pas dans le carré de service. Je me ressaisis et je réalise un deuxième service. Elle rentre et cette fois-ci je joue le point.

5-0. J’ai gagné le point. Allez !

Ça fait treize ans que je pratique le tennis. Je fréquente le même club depuis quatre ans maintenant. Je fais partie d’un groupe avancé et je m’entraîne une heure et demie par semaine. Je regarde des matchs de tennis depuis que je peux m’asseoir sur le canapé. Quand j’étais plus jeune, mon père avait plus de temps et je regardais les matchs avec lui. C’étaient mes moments préférés du week-end. On attendait toujours avec impatience les finales des grands tournois.

Je ramasse deux balles. J’en mets une dans ma poche gauche et l’autre je la garde dans ma main. Je la rebondis et de la terre battue saute avec elle. C’est d’une couleur brique qui a déjà commencé à déteindre mes chaussures blanches d’une couleur rosâtre. J’imagine être entourée d’une dizaine de milliers de personnes et que je joue sur le court Philippe-Chatrier : le plus grand court de tennis du Grand Chelem Roland-Garros. Mais ce n’est pas le cas. Seulement les parents de mon adversaire sont là. Je représente mon club dans la catégorie « 14-18 ans filles » lors d’un affrontement avec d’autres clubs du département.

Grands Chelems

Les jeux se suivent et je gagne en confiance. Mon masque, vide d’émotion, se fracture quand je gagne le set et qu’un sourire m’échappe. Je m’assois sur le banc, je mange une banane et je reprends des forces. Je sors mon téléphone de mon sac et j’envoie un message à mon père. Je lui partage le score actuel et j’attends sa réponse. Il me répond par un message encourageant et je souris en le lisant.

Quand j’étais petite, je voulais devenir une joueuse de tennis professionnelle. Je voulais gagner les quatre Grands Chelems, qui sont les plus grands tournois de tennis au monde. À 9 ans, je suis allée avec mon père au Grand Chelem Wimbledon, le plus prestigieux. C’est mon souvenir préféré avec lui !

6-2 est le score du premier set. Je débute le second et je m’y mets à fond. Mes frappes gagnent en puissance et le stress disparaît. Je me sens libre et c’est la sensation que j’aime le plus quand je joue au tennis. Libre.

Il y a six ans, je faisais plus de trois entraînements par semaine. Mes parents m’ont toujours soutenue. Mon père m’emmenait en voiture les samedis matin et on écoutait de la musique sur le trajet. Après mon entraînement, je jouais avec lui. C’était une session d’une heure environ et il me faisait travailler toutes mes faiblesses. C’est lui qui m’a réellement appris à servir. Quand on arrêtait de jouer, il m’achetait un Coca. C’était notre rituel. Plus tard dans l’après-midi, il avait son cours et son entraînement avec d’autres adultes. Pendant son enfance, il avait découvert le tennis avec son cousin. Il a davantage progressé quand il est allé faire ses études supérieures. Le tennis est devenu une vraie passion et il jouait avec ses amis très souvent.

Félicitations !

Maintenant on s’entraîne très peu ensemble. Probablement parce que j’ai grandi et que mes entraînements ne sont plus les samedi matin. Peut-être aussi depuis que je suis devenue autonome pour m’entraîner seule. Notre rituel est devenu une occasion spéciale. Maintenant je vais aux entraînements seule, à pied et en écoutant de la musique dans mes AirPods. Quand il peut, mon père vient me chercher à 20h30 en voiture et on parle sur le retour.

4-3 pour moi. C’est à mon adversaire de servir et mon père m’aurait dit que c’est le meilleure moment de « break », c’est-à-dire quand le receveur gagne le jeu du serveur. Je m’y met à fond et je gagne le jeu. 5-3. Je sers. Je n’ai pas l’occasion de faire beaucoup de matchs et celui-là est le premier que je fais depuis des mois. Mes jambes sont impatientes. 6-2. 6-3. Je gagne le match ! Je me sens relâchée et folle de joie. En rentrant, j’appelle mon père et je lui raconte tout. La satisfaction d’avoir remporté un match de tennis, quand tu te bats du début à la fin pour gagner, est unique. C’est pour ça que je voulais devenir professionnelle. À 12 ans, mon rêve a changé. J’ai compris que le tennis devait rester seulement une passion quand j’ai appris les sacrifices nécessaires pour y parvenir.

Mes parents m’ont toujours soutenue dans mes passions. Ils me permettent de continuer à pratiquer ce sport tous les ans. Ils payent mes cours, me fournissent l’équipement et les vêtements nécessaires, et acceptent de m’inscrire à des tournois. Ils ont toujours été là. En rentrant, je suis accueillie par mon père et ma mère, me félicitant.

Eva, 16 ans, lycéenne, Saint-Germain-en-Laye

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