Julie D. 01/12/2024

« Trop nul, un match de hand de filles »

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Dans le club de hand de Julie, les filles subissent les préjugés sexistes des garçons et de certains coachs : elles sont rabaissées, doivent porter des vêtements qui montrent leurs corps, et moins de moyens sont alloués à leurs équipes.

Je déteste inviter mes amis à mes matchs, par peur de mal jouer et de leur donner un prétexte pour dire que « le hand féminin est moins bien que le hand masculin ». J’ai commencé le handball à 7 ans dans une équipe mixte. Cette expérience était horrible. Les garçons ne donnaient pas la balle aux filles même si nous étions seules devant le but. Ils ne nous parlaient pas et faisaient comme si on n’existait pas.

Je pense que nos coachs s’en rendaient compte, mais ils n’en parlaient pas. Ce n’était sans doute pas leur priorité car nous n’étions que trois ou quatre filles. De temps en temps, ils mettaient quand même en place des situations pendant les matchs où les filles mettaient deux points si elles marquaient, ce qui obligeait les garçons à nous faire la passe. Mais sans ça, nous n’avions pas la balle.

Sexisme et préjugés

À 10 ans, les équipes se sont séparées entre filles et garçons. Depuis, certains de ces garçons sont mes meilleurs amis et ils me proposent de jouer ensemble pour rire quand les opportunités se présentent. Ne plus être dans la même équipe leur a permis de se rendre compte que je n’étais pas juste une fille « nulle » et moi de reconnaître qu’ils étaient quand même sympas.

Leurs mentalités ont un peu évolué. Ils reconnaissent le niveau de handball de certaines filles, mais ils continuent les remarques : « Ah trop nul un match de hand de filles, c’est lent, y a pas d’action… » Ils m’ont raconté que même leur coach les compare à des filles quand ils jouent mal : « Vous faites un match de hand féminin ?! », en guise d’insulte pour les rabaisser. Ils ne se sont pas rendu compte de l’impact et de la gravité de ces mots, mais ils savent que quelque chose n’est pas normal sinon ils ne m’en auraient pas parlé.

Un car juste pour les garçons

Dans mon club, les filles jouent avec des shorts très courts alors que les garçons en ont qui leur arrivent aux genoux. Elles jouent avec des maillots cintrés et eux avec des plus amples qui ne les moulent pas. Les garçons ont aussi eu des valises floquées avec leurs initiales et leur numéro, deux t-shirts d’entraînement alors que nous n’avons rien eu, même en jouant au même niveau.

Pour les trajets pour se rendre aux matchs, les garçons ont eu un car à leur disposition pour se rendre en banlieue (qui est accessible à une heure en transport), alors que les filles de mon équipe et moi avons dû nous débrouiller seules avec les parents pour aller à Mantes-la-Jolie (une heure 45 en prenant des bus de banlieue et des RER). Nous avons organisé des covoiturages, c’est-à-dire que les parents donnaient un rendez-vous avec un nombre de place limité pour prendre le plus de filles possible qui ne pouvaient pas se rendre seules là-bas.

Leur faire prendre conscience

En dehors des gymnases, quand je dis aux gens que je joue au handball, c’est sûr qu’un homme va me faire la remarque (car oui je n’ai jamais reçu la même de la part d’une femme) : « Ah mais je suis meilleur que toi dans tous les cas : abandonne », alors qu’ils n’ont jamais touché une balle de leur vie. J’en ai parlé avec des amies et malheureusement on a déjà toutes été victimes de ce genre de phrases inappropriées et humiliantes.

Certaines idées ne changeront probablement jamais mais on peut toujours essayer de leur faire rendre compte de la portée de leur propos, leur montrer qu’ils n’aimeraient pas recevoir des phrases comme ça. Avec leurs copines, nous leur disons que ce n’est pas normal, pour qu’ils se mettent à notre place. Plus du monde en parle, et plus ils seront sensibilisés.

Julie, 15 ans, lycéenne, Paris

 

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« Ici, c’est un club de hand masculin ! », par Zoé, 20 ans. En club, les équipes de filles n’ont pas toujours droit à la même considération que celles des garçons. Zoé en a fait l’amère expérience.

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