Yéléna L. 10/10/2024

Troubles psy : six ans pour trouver un traitement

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Bipolaire et borderline, Yéléna a attendu six ans avant de comprendre de quel mal elle souffrait. Et passé tout autant à expérimenter des médicaments et leurs effets secondaires.

Peu après le décès de mon père en 2017, je finis par voir une psychiatre. J’ai 20 ans.

« C’est une dépression, madame. »

Voilà ce qu’on me dit la première fois. Je commence les antidépresseurs pour tenter de remonter mon moral.

Du Zoloft (sertraline). 25 mg.

On reconnaît enfin mon mal ! Les médicaments en sont les preuves mais grande contrariété peu après. Les pensées noires et suicidaires commencent. Les pulsions commencent. Tout commence.

« C’est un trouble de l’humeur, madame. »

Voilà ce qu’on me dit la deuxième fois. Quelques mois plus tard, lors d’une hospit’. Je fais un virage maniaque à cause des antidépresseurs car, lorsqu’une personne bipolaire en prend, il y a le risque qu’elle monte trop dans l’humeur et finisse en (hypo)manie.

Chez moi, ça se retranscrit par beaucoup d’achats compulsifs (déjà dépensé 1 000 euros en fringues en un week-end), de l’irritabilité (tout le temps à fleur de peau), une ultrasociabilité (je veux voir tout le monde, je veux parler à tout le monde), pas besoin de beaucoup dormir pour me sentir en pleine forme (même juste trois heures de sommeil), joie extrême, etc.

En bref, je vrille. Je commence donc les neuroleptiques, plus adaptés à ma bipolarité  bien que pas encore officiellement diagnostiquée.

De l’Abilify (aripiprazole). 30 mg.

Je suis moins joyeuse déjà car ça marche pas. Ça marche toujours pas. Je commence à douter. Pourquoi ça marche pas ? Pourtant, on me dit qu’il faut que je les prenne. Alors je continue car je veux aller mieux. Je dois aller mieux. Ça doit me sauver. On décide alors de me donner un traitement connu pour les bipolaires  mais pareil, toujours pas de diagnostic.

Le lithium.

J’ai 22 ans.

« Je mens à ma psychiatre »

C’est un traitement lourd. Très lourd. On me donne un papier qui m’explique son fonctionnement, les risques et les effets secondaires. J’accepte, alors que je sais que je prenais mal mes anciens traitements. Genre, grave irrégulièrement.

Pourquoi ? Parce que l’espoir s’envole. Je mens. Je mens à ma psychiatre sur ma prise de médicaments car je veux pas qu’elle m’engueule. Alors le lithium. Des prises de sang chaque semaine pour voir le taux car on risque de s’empoisonner avec. Je mens quand je dis que je le prends bien. Alors on s’étonne que le taux soit bas. Alors on augmente la dose. Je mens encore.

Et ma psychiatre, elle capte rien.

Ça marche pas. J’ai des nausées. Des diarrhées. Des vomissements. Une envie d’uriner fréquente. Un calvaire médicamenteux. Je finis à l’hôpital. J’apprends que j’aurais pu mourir car on a beaucoup trop augmenté ma dose. J’en étais à quatre comprimés par jour. Alors que c’est deux la moyenne. On constate que je réagis bien au lithium  ‘fin, je leur mentionne pas mes effets secondaires.

« C’est sans doute de la bipolarité, madame. »

Voilà ce qu’on me dit la troisième fois. Je fais toujours des dépressions. Neuf mois sur douze. Un calvaire mental.

J’ai 24 ans.

Mais je continue à prendre mes médicaments. Mais je mens encore et toujours. On change tout le temps mon traitement car ça semble pas marcher. Mais je veux pas les prendre. Je veux pas être malade, moi. Mais je dois les prendre.

I don’t want to.

But I have to.

Alors j’arrête car les effets secondaires deviennent insupportables, insurmontables. On me répète que c’est pas la bonne solution.

« C’est dangereux, madame. » 

Car y a un risque que ça empire de plus en plus sans un traitement adapté. Voilà ce qu’on me dit la quatrième fois, début 2022.

Mais je sais que c’est le bon choix. Ça fait cinq ans que je me bats avec, à quoi ça me sert à part me prendre des effets secondaires ? À rien. Alors j’arrête tout, jusqu’à une énième hospitalisation, fin 2022.

« Je sens la différence »

On me demande si je veux un traitement. J’en veux pas. J’ai peur de retomber dans ce combat. On me confie que ce serait compliqué de me stabiliser sans traitement. Alors je cède.

« C’est de la bipolarité de type II et trouble borderline, madame. » 

Voilà ce qu’on me dit la cinquième fois.

J’ai 25 ans.

J’ai l’impression d’être plus légère à ce diagnostic car je l’attends depuis 2018.

Lamictal (Lamotrigine).

Un antiépileptique.

On a remarqué que ça marche pour les troubles bipolaires on peut le lire dans la notice en tout cas. Il a du goût. Un goût cassis. Immonde selon la marque de médicament. Mais je tiens. Pourquoi ? Même aujourd’hui, je sais pas. Je décide donc de mettre une alarme. De respecter les doses. D’être honnête quand j’ai du mal à le prendre.

Ça marche pas au début. J’ai failli abandonner. On me remet de l’Abilify. On me prescrit un antidépresseur, le Brintellix. Celui-là me donne souvent la nausée, tellement que j’ai peur qu’on me pense enceinte parfois. Finalement on l’a enlevé pour remettre du Zoloft. À voir si ça marche.

Parfois, ça reste dur de les prendre. C’est une contrainte, une corvée, une action en plus. Mais je sens la différence. Je suis moins dissipée. Je suis moins décalée. Je suis moins déprimée. J’ai pas eu de dépression depuis un an. Je regrette pas ce combat de six ans pour les prendre correctement et trouver le bon traitement  même si on est toujours en expérimentation.

Aujourd’hui, je les prends une fois par jour à 13 heures, tout d’un coup pour être sûre de pas oublier. Mais je sais que si je les arrête, je vais rechuter avec le retour de la dépression et des pensées morbides. J’ai clairement pas envie de ça. Je vous le jure.

Yéléna, 26 ans, Colombes

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