Un avortement dans la douleur
J’imaginais cet enfant heureux. J’imaginais ma vie avec lui, le voir grandir, lui apprendre la vie. Je lui avais donné un prénom. Solange si c’était une fille, comme ma mère. Emilien si c’était un garçon, comme mon grand-père maternel. Je nous imaginais vivre tous les trois dans un appartement à nous.
Lorsque je tombe enceinte sans le savoir en décembre 2022, le père de mon enfant ne veut pas que je le garde. Il me force à avorter. Moi je ne veux pas, même si je n’ai pas de travail. Je ne suis pas vraiment prête à être une mère mais au fond de moi, je désire cet enfant. Ce rêve date d’il y a longtemps. Quand je vivais avec ma famille et mon beau-père, je me sentais toujours seule, délaissée de tous. Avoir quelqu’un qui m’aime a toujours été difficile. Je veux donc l’amour de cet enfant rien que pour moi.
C’est chez ma soeur que je prends le médicament pour l’avortement.
Elle n’a pas aimé. Elle est partie chez son mec et m’a laissée une semaine toute seule. Quand elle est revenue, elle ne me parlait pas. On n’en a jamais parlé. Elle, elle essaie de tomber enceinte mais elle n’y arrive pas. Donc pour elle, c’est mal de faire ça.
Il est devenu violent
Tout ce que je voulais, c’était rencontrer un homme qui m’aime et avec qui je pourrais faire ma vie, avoir un enfant et fonder une famille. Vivre heureuse quoi. Et ça m’est tombé dessus. Après mon avortement, ma vie a été un enfer.
Quand j’ai rencontré ce garçon, on s’est tout de suite bien entendus. Je dirais qu’on était amoureux quoi. On était ensemble depuis un peu plus de deux ans et demi et ça se passait bien. Il m’a proposé de venir habiter chez lui et sa famille.
Au bout de quatre ou cinq jours là-bas, je suis tombée enceinte. Il l’a découvert. Je voulais le dire à ses parents mais il me l’interdisait. Si je le disais, ça allait mal se passer pour moi. L’enfer a commencé là. Je lui ai fait croire que j’allais faire l’avortement. Quand il a découvert la vérité un mois plus tard, il est devenu violent. Il a commencé à me frapper et à me dire : « Avorte, sinon je te tue. »
J’ai pris mes affaires, je suis partie chez ma sœur et j’ai arrêté de sortir. Je suis allée voir une psy sur les conseils du médecin traitant et des cliniques pour demander de l’aide. Je voulais savoir comment ça se passait un avortement, si c’était douloureux, comment ça se passait après, tout ça.
Je ne voulais pas d’un enfant sans père
Je voulais cet enfant, alors je me sentais sale et j’avais honte de moi. Je n’arrivais même pas à me voir dans le miroir. Je me demandais ce que j’avais fait pour mériter tout ça. J’ai même songé à me suicider. Je n’en pouvais plus de souffrir, de toujours penser à l’enfant, de me dire que si je le gardais, je serais heureuse. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas avoir un enfant pour ensuite lui raconter que son père m’avait battue et qu’il avait voulu que j’avorte.
Je suis allée à la clinique d’avortement, ils m’ont donné le médicament et j’ai pleuré presque à en mourir. Jusqu’à maintenant. J’ai arrêté parce que je n’en pouvais plus. C’était insupportable de toujours penser à lui. Je ne dormais pas et j’étais en dépression. Je me disais : « Je suis vraiment une meurtrière. »
Aujourd’hui ça va mieux, parce que j’ai un travail. Si je tombe enceinte, je pourrai le garder. Je suis animatrice dans des centres de loisirs et ça me plaît de travailler avec des enfants. En même temps, je suis passée à autre chose. Je cherche un appartement à Paris, peu importe où. Connaître du monde, rencontrer de nouveaux amis, sortir le soir… Je sens que Paris, ce sera mieux pour moi.
J’ai revu mon ex dans la rue il y a une semaine. J’ai mis un masque et ma capuche. C’est sûr qu’il m’a vue parce que j’ai entendu le bonjour de sa mère à côté de lui. De voir sa tête, ça m’a donné envie de vomir. Dans cette histoire, j’ai perdu mon estime de moi, ma dignité.
Astrid, 22 ans, salariée, Île-de-France