Violences conjugales : les enfants trinquent
Mon père était un homme colérique et violent. Un époux infidèle qui se souciait peu des conséquences de ses actes. Il trompait ma mère sans remords, et chaque fois qu’elle osait exprimer sa douleur ou son indignation, cela déclenchait des colères incontrôlables, souvent accompagnées de violences physiques.
Ces scènes se déroulaient sous les yeux de mon frère et moi, gravant en nous des images que nous aurions préféré ne jamais voir.
L’espoir
Malgré cette violence répétée, ma mère a toujours choisi de rester. Elle justifiait son choix par son amour pour nous, ses enfants, et par une croyance profonde qu’il fallait sauver les apparences d’une famille unie. Elle était animée par l’espoir que, peut-être, les choses s’amélioreraient un jour.
Cet amour profond pour mon père, même s’il était toxique, la poussait à accepter l’inacceptable. Elle portait seule le poids émotionnel et physique de la famille, abandonnant ses propres rêves pour subvenir à nos besoins dans un environnement hostile.
Elle avait dû renoncer à ses études, un sacrifice qu’elle assumait avec dignité malgré les difficultés. Être mère tout en évoluant dans une relation abusive était un fardeau colossal. Elle était souvent seule à nous élever, mon père étant présent physiquement mais absent sur tous les plans qui comptent. Sa présence occasionnelle ne faisait qu’accentuer le sentiment d’isolement de ma mère.
Une carapace
En tant qu’enfants, mon frère et moi étions des témoins impuissants de ces scènes de violence et de souffrance. Voir notre mère pleurer, subir des coups ou être humiliée était une expérience traumatisante qui nous marquait chaque jour un peu plus. Ces épisodes nous ont contraints à grandir plus vite, à nous forger une carapace pour affronter la réalité.
La peur, la tristesse et parfois la colère étaient nos compagnons silencieux. Nous étions trop jeunes pour comprendre pourquoi notre mère restait, pourquoi elle acceptait cette douleur. Mais avec le temps, j’ai compris qu’elle était prise au piège d’un amour sacrificiel et d’un système qui valorise souvent l’image de la famille au détriment du bien-être individuel.
Force intérieure
Aujourd’hui, en regardant en arrière, je mesure à quel point ces événements ont forgé la personne que je suis devenue. Bien que cette période ait été marquée par une souffrance immense, elle m’a également enseigné des leçons précieuses.
J’ai appris à reconnaître les signes précurseurs d’une relation toxique, à refuser que l’amour serve de prétexte à la souffrance, et à comprendre l’importance des relations fondées sur le respect et la bienveillance. Les cicatrices de cette enfance restent présentes, mais elles ont également donné naissance à une force intérieure. Cette force me pousse à aspirer à une vie différente, où l’amour est synonyme de respect mutuel et non de sacrifices unilatéraux.
Il est primordial de sensibiliser les enfants, les parents et la société toute entière à l’impact dévastateur des violences conjugales. Ces actes ne sont jamais justifiés et aucun enfant ne devrait grandir dans un climat de peur et de souffrance. Des ressources existent, et demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais de courage.
Nadia, 18 ans, lycéenne, Brest
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