Lana H. 10/07/2023

Violences conjugales : je ne parle plus à mon père

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Lana a eu peur pour sa mère pendant des années, jusqu'à cette soirée où son père a vrillé. Depuis, elle ne le voit plus.

Quand j’étais petite, mon papa buvait beaucoup. Quand il rentrait à la maison, il était souvent saoul et moi j’avais peur. Pas peur pour moi, car il ne m’a jamais touchée, mais peur pour ma maman.

Un jour, à 6 ans, j’étais devant la télé avec ma mère et soudainement on entend la porte, fermée à clé pour empêcher mon père d’entrer, s’ouvrir. À ce moment-là, je commence à avoir peur. Ma mère me dit d’aller dans la chambre avec mes deux grands frères, puis je l’entends parler avec mon père à travers la porte. Puis il commence à crier : « Ouvre-moi la porte tout de suite sinon je la casse ! » Ma mère lui répond qu’elle n’ouvrira pas, car mes frères et moi-même sommes dans l’appartement.

Et pendant quelques minutes plus aucun bruit… Quand soudain mon père revient avec un pied de biche. Malheureusement pour lui, ça n’a pas fonctionné. Ma mère décide d’appeler la police pour notre sécurité et la sienne.

Entretemps, elle lui ouvre la porte car il est en train de la casser. Il va à la cuisine puis revient les mains vides. Il demande à ma mère de s’asseoir, donc elle s’assied. Puis d’un coup, il se lève et prend un couteau qu’il avait caché derrière une table. On avait un canapé d’angle, et il a commencé à mettre des coups de couteau dans l’angle du canapé, juste à côté de moi. Et là, je commence à pleurer (je le rappelle, j’avais 6 ans). Il m’a regardée avec un regard noir, en me disant : « Ne t’inquiète pas ma chérie, tout va bien se passer. »

Les policiers pointent leur arme sur nous

Quand il regarde par la fenêtre, il voit que toute la résidence où nous habitons est entourée de policiers. À ce moment-là, dans la tête de mon père, ça ne fait qu’un tour. Il retourne dans la cuisine, prend le frigo et le jette du troisième étage. Pareil pour tout l’électroménager qu’il y avait dans la cuisine. Il me prend dans ses bras et sort sur le balcon. Je vois tous les policiers pointer leur arme sur nous, et je lui demande de me lâcher pour aller dans les bras de ma mère. Il ne m’a pas lâchée facilement car il avait aussi peur pour moi que pour lui. Il m’a parlé dans l’oreille pour essayer de me rassurer et me faire comprendre qu’il allait partir pendant quelque temps, et que j’allais pas le revoir tout de suite, mais dans quelques années. Ensuite, il m’a posée.

Puis je descends du bâtiment avec mes deux grands frères et ma mère, pour que les policiers fassent leur travail. J’en vois au moins une vingtaine monter chez moi. Quelques minutes plus tard, mon père sort du bâtiment avec les menottes. Je commence à pleurer, je regarde partir mon père dans le camion des policiers. Je savais que je ne le reverrai pas tout de suite. Il est parti un an et demi en prison.

Suite à tout ça, mes frères et moi-même sommes restés habiter avec ma mère. Ça a été une femme très forte. Elle ne nous montrait rien de ses émotions et de sa tristesse avec tout ce qu’il s’était passé. Elle a toujours gardé la tête haute pour nous, pour qu’on puisse être heureux malgré tout. Aujourd’hui, je vis avec elle et je la remercierais jamais assez pour tout ce qu’elle a fait pour nous.

Quelques années plus tard, je revois mon père dans un centre spécialisé. Je devais le voir dans une salle que la juge avait choisie, avec une dame que je ne connaissais pas. Je ne l’ai vu qu’une seule fois, il a ensuite décidé de ne plus venir.

Je le vois pas, je ne le croise pas

Et à l’heure où je vous parle, nous sommes en avril 2023 et je n’ai plus aucun contact avec lui. Car il a eu des propos que je n’ai pas accepté, je ne veux plus parler avec lui. Il m’a clairement dit que je n’étais plus sa fille depuis qu’il s’était remarié et qu’il avait eu un autre enfant. Aujourd’hui, mon père habite à dix minutes de chez moi et je ne le vois pas et je ne le croise pas, et je ne compte pas du tout le revoir ni lui parler, tant qu’il ne s’excusera pas.

J’ai grandi sans papa du coup ! Au début je l’ai très mal pris, car mon père c’était l’amour de ma vie et je ne me voyais pas vivre sans lui. J’ai grandi et j’ai appris que même s’il n’était pas là, bah ce n’était pas grave. Je devais quand même avancer et pas rester à pleurer. Aujourd’hui, je me sens mieux, même sans lui. Je n’ai surtout pas baissé les bras, car ma mère était déjà mal, et nous aussi. J’ai toujours voulu la rendre fière et c’est ce que je fais. Aujourd’hui, nous sommes tous heureux.

Lana, 16 ans, en formation, Île-de-France

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