Riama M. 03/04/2023

Je vis pour ma famille et pour la retrouver

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Riama ne s’est jamais remise de son départ forcé de Mayotte. Malgré tout, loin de sa famille, elle fait tout pour les rendre heureux.

Ma famille me manque toujours terriblement. Je ne m’y habitue pas, mais je n’ai pas le choix…

Je viens de Mayotte, et mes parents sont Comoriens. À Mayotte, j’ai étudié jusqu’à ce que j’obtienne mon bac STMG, en 2021. Jusque-là, ma vie était heureuse, formidable, même. J’avais ma famille près de moi qui me donnait du courage, de la joie, de l’amour, le sourire et le bonheur. En plus, ils m’achetaient tout ce que je voulais ! Je vivais dans une maison de deux étages, vraiment belle, que toutes mes copines voulaient avoir. J’étais avec ma mère, femme au foyer, mon père, qui travaillait dans la sécurité d’un lieu habité par des gens riches, mes deux frères et ma petite sœur. Une vie sans problème où mon avenir était tout tracé : devenir gendarme.

Mais, à Mayotte, mon pays, il y a des violences, la guerre entre villes, des meurtres tous les mois… Alors ma mère m’a demandé de partir à l’âge de 17 ans car elle avait peur qu’un jour, on l’appelle au téléphone pour lui annoncer la mort de sa fille à l’école. Je n’ai pas eu le choix : pour moi, c’était le bonheur de ma mère avant tout.

Une fleur sans son eau

Dans le fond, j’étais brisée, je me sentais mal, affaiblie, mais je ne pouvais rien dire. Arriver en France, c’était comme si le monde m’avait enlevé tout ce que j’aimais. J’étais comme une fleur sans son eau. Je n’avais plus d’espoir, plus d’envie de continuer mes études.

Je suis allée à Marseille, chez mon grand frère que je n’avais pas vu depuis six ans. C’était un bonheur de le voir, mais j’avais toujours le cœur abîmé. Il est devenu électricien, et sa femme m’a bien accueillie. Mais je n’arrivais pas à avancer sans ma famille pour m’encourager, c’était impossible.

Chaque jour, je pleurais. Pire, j’étais souvent malade. Mais je n’étais jamais en colère contre ma mère car je me disais qu’elle ne voulait que mon bien. Un jour, elle m’a conseillé de ne pas abandonner, de ne pas arrêter mes études :  si j’abandonnais, elle n’allait pas me pardonner car elle voulait que je réussisse ma vie et la rende heureuse. Elle m’a dit cette phrase dont je me souviens encore : « Même quand la vie se fait plus difficile, il faut trouver en soi la force de croire au plus beau. » 

Des papillons dans le ventre

J’ai donc commencé à faire des formations qui doivent me permettre de gagner de l’argent et ainsi, d’aider ma mère. En plus, je fais des petits boulots : des tresses à la maison, pour envoyer de l’argent à ma grand-mère, la deuxième femme de ma vie, qui vit aux Comores.

En travaillant, je suis toujours souriante et très communicative. Dans ma tête, je me dis toujours que je travaille pour ma famille. Quand je gagne mon argent, je l’envoie au bled, et lorsque je l’envoie, c’est comme si j’avais des papillons dans le ventre. Je suis fière de savoir que ça donnera le sourire à ma grand-mère. Chaque mois, je transfère 150 euros pour les courses et les factures. Pour moi, c’est une habitude et jamais un sacrifice.

Aujourd’hui, je suis passée de cette fille qui voulait tout abandonner à cette fille qui veut réussir dans sa vie. Pour moi, réussir ma vie, c’est travailler jusqu’à pouvoir construire une grande maison et y vivre avec ma famille. Elle me manque toujours énormément.

Riama, 19 ans, en formation, Marseille

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