Vouloir plaire jusqu’à s’en faire perdre l’appétit
Le stress de devoir se plier aux regards. Le stress de devoir changer pour le monde. Le stress d’avoir l’impression d’être insignifiante pour les gens qui m’entourent. Chez moi, la pression de plaire aux autres s’est traduite par une montagne de stress qui semblait impossible à supprimer. Je venais tout juste d’avoir 15 ans quand j’ai commencé à me renfermer sur moi-même. La pression devenait de plus en plus présente au quotidien. Une action était devenue quasi impossible : manger.
Une norme de la société me marquait plus que les autres : devoir être mince. J’ai commencé à écouter les pensées développées par le stress. En juillet dernier, je suis rentrée dans ce cercle vicieux. Au début, je sautais seulement quelques repas, souvent le déjeuner. Ensuite, c’est devenu plus obsessionnel. Ma mère s’est aperçue de mon mal-être à ce moment-là, je crois. Mais j’étais déjà trop fermée sur moi-même, alors je l’ai repoussée.
Manger et purger ses émotions
Durant le mois d’août, j’étais en vacances. Je suis donc restée avec ma famille presque tout le temps. Ça m’a forcée à assister à tous les repas. Avant, je n’avais jamais échoué à me priver de nourriture, mais quand ils ont commencé à me regarder le faire, la tâche est devenue nettement plus dure. Malheureusement, ça n’a rien changé. La nourriture n’était plus attirante. Elle représentait seulement une montagne de calories ambulantes.
Pendant cette période, mes parents n’ont cessé de me répéter que je mettais une barrière entre eux et moi. Ils croyaient que je n’aimais pas leur présence. C’était faux, je n’aimais juste pas le fait qu’aucun d’eux ne s’aperçoive vraiment de mon état. Je ne voulais pas demander de l’aide, mais au fond de moi, j’aurais aimé que ma famille ou mes amies s’aperçoivent que j’en avais besoin.
J’ai passé tout l’été à manger mes émotions et à les purger, pour essayer juste une seconde de ressentir le plaisir d’être bien dans sa peau. J’avais peur de guérir. Guérir, ça signifiait arrêter tout ça et donc prendre du poids à nouveau. Alors j’ai préféré me taire.
Des nuits à fixer le plafond
Pendant une période qui m’a semblé interminable, j’ai fait ce que j’ai appelé « les montagnes russes ». En septembre, j’ai eu la nette impression d’être satisfaite de moi, d’aller mieux à nouveau. Mais ça n’a duré que deux semaines. Cette boule au ventre, ces nuits à fixer mon plafond comme si dormir était devenue une option… Tout ça est devenu banal.
J’ai enchaîné ces montagnes russes pendant au moins cinq mois. Quand je pensais aller mieux, je mangeais, jusqu’à n’en plus pouvoir, grignotant entre les repas quand mes parents n’étaient pas à la maison. Puis la rechute des émotions apparaissait et je me privais, essayant tant bien que mal de reperdre les kilos que j’avais pris. Dans ces périodes, je pouvais perdre jusqu’à 3 kilos avant d’en reprendre 2.
« N’écoute pas les voix dans ta tête, Rim »
Parfois, il suffit juste d’un déclic pour commencer à aller mieux. Ça peut être un moment, ou encore une situation qui nous fait écho. Pour moi, ça a été une personne. « N’écoute pas les voix dans ta tête, Rim. » C’étaient ses paroles et je pense que je ne les oublierai jamais. Aujourd’hui, je ne suis plus en contact avec elle, mais elle restera gravée en moi.
Elle m’a permis de penser autrement. Personne n’était venue me voir pour m’influencer, pour me mettre la pression. Tout ça, c’était moi qui l’avais créé. J’ai décidé de reprendre le contrôle de ma vie, alors c’est ce que j’ai fait. À chaque fois que j’estimais faire quelque chose d’anormal, je me demandais qui avait créé la nécessité de faire cet acte : était-ce réellement un besoin vital ou seulement un besoin créé par mon cerveau ?
Aujourd’hui, dire que tout va mieux serait mentir. Cependant, j’ai compris que la vie était en partie faite d’échecs. Alors, oui, je vais rechuter, mais je me relèverai. Jusqu’au jour où j’aurai atteint le moment où il n’y aura plus de chute possible.
Rim, 16 ans, lycéenne, Firminy
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