Handicap : un peu de tact !

Je suis handicapée depuis la naissance, suite à un accouchement prématuré. Mon handicap s’appelle la dyspraxie et on me l’a diagnostiqué à l’âge de 3 ans. C’est un handicap quasi-invisible. Ses conséquences ? Pour le dire vite, les dyspraxiques ont du mal à automatiser les apprentissages manuels du quotidien (comme boutonner sa veste, mettre ses chaussettes, faire du vélo, nager, conduire, écrire au crayon…) à cause d’une défaillance de la mémoire procédurale qui s’occupe normalement de mémoriser et d’automatiser les gestes appris. C’est pourquoi nous avons souvent besoin d’un ordinateur en classe, car nous ne parvenons pas à écrire assez bien pour que ce soit lisible. Nous avons aussi du mal à nous déplacer seuls, car la mémoire procédurale est celle qui permet normalement de mémoriser les trajets quotidiens (de chez vous à votre travail, de votre travail au supermarché).

Mais attention ! Nous avons une intelligence normale et les autres parties de notre mémoire (pour retenir des dates, des faits, des connaissances) fonctionnent très bien !

En attendant qu’on apprenne enfin à éduquer les gens au handicap, j’aimerais partager avec vous des phrases que j’ai pu entendre au cours de ma vie…

Un peu de tact !

Il y a les égoïstes… Par exemple cet élève de seconde qui m’a, un jour, dit :

« Ton ordinateur, en classe, il fait trop de bruit ! Il me dérange. » 

Excuse-moi, je crois que la première personne dérangée par le handicap ici, c’est moi.

Il y a aussi les jaloux… qui ne l’assument pas.

« De toute façon, les profs te donnent des bonnes notes parce qu’ils ont pitié de toi, avec ton handicap. »

Il y a ceux qui nient carrément la situation, comme ce conseiller d’orientation…

« Oh, mais j’ai un ami qui est dyspraxique, il n’a pas beaucoup de problèmes. La dyspraxie, ce n’est pas vraiment un handicap !  Vous vous sentez handicapée, vous ? »

Euh, comment te dire ? Je n’ai presque pas d’autonomie de déplacement, je ne suis pas sûre d’avoir la capacité de passer mon permis, je ne peux pas écrire manuellement, je suis fatigable, je ne marche pas normalement, je suis physiquement inapte pour de nombreuses activités… Donc oui, je me sens un peu handicapée. Mais je t’en prie, prends ma place si tu veux !

« Vous êtes sûre que ce n’est pas psychologique votre problème ? » 

Dans un registre totalement différent : ceux qui pensent que tu vas mourir dans les trois secondes. A l’image de l’infirmière scolaire… persuadée qu’une personne handicapée est nécessairement malheureuse et accablée. Je faisais tout pour l’éviter.

« Oooh, Solveig, ça vaaaa ? Tu es sûre ? Tu me dis, hein ? Tu veux venir dans mon bureau pour discuter ? »

Handicapée, pas débile !

Il y a ceux qui ne veulent pas de « ça », comprenez, mon handicap, donc mon encombrante présence.

« Vous devez comprendre que les autres n’ont pas à supporter ça… »

Oh bah merde alors… je suis vraiment désolée d’exister, surtout si ça vous dérange !

« Je n’ai pas l’habitude de vivre avec des gens comme… ça ! » 

T’inquiète pas, moi non plus, j’ai pas l’habitude de vivre avec des gens aussi fermés !

Il y a ceux qui te prennent carrément pour une « débile »… Exemple : une collégienne qui m’a littéralement gueulé dans l’oreille…

« Gâteau !!! » 

Ou encore l’infirmière scolaire que je connaissais depuis environ trois minutes…

« Et sinon, vous savez mettre votre soutien-gorge ? » 

Alors, je n’en reviens pas de devoir formuler cette explication, mais dites-moi, les gens, est-ce que ça vous viendrait à l’idée de demander à une personne valide que vous venez de rencontrer s’il elle a bien mis sa culotte ce matin ? Ou si elle porte des slips Batman ? Non ? Bah, là, c’est pareil.

Et puis, la palme à un membre lointain (et très bizarre) de ma famille qui n’a pas compris le concept de « handicap physique ».

« Je suis étonnée, elle travaille bien, tu m’avais dit qu’elle était débile ! » 

S’il vous plait… un peu de tact et de délicatesse !

Solveig, 21 ans, étudiante, Chalons-en-Champagne

Crédit photo : Misfits (série TV 2009)