Leyla A. 23/06/2017

Le ramadan, un choix pas dicté par mes parents

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Derniers jours avant la fin du ramadan, en pleine canicule. Une bonne occasion pour moi de repenser aux raisons qui m’ont poussée à le faire.

Mon père est algérien, ma mère espagnole. Ni l’un ni l’autre ne m’a élevée dans une religion, qu’elle soit musulmane ou catholique. Mais il y a 6 ans, j’étais en vacances en Algérie quand le ramadan a commencé. J’ai vu tout un pays se transformer, toute ma famille adopter un autre rythme. Intriguée, j’ai alors demandé : pourquoi faire le ramadan ? En quoi est-ce que ça consiste exactement ? Comment tenir quand il fait extrêmement chaud ? Personne dans ma famille ne m’a particulièrement encouragée à le faire. Chez nous, c’est à chacun de prendre sa décision.

Et j’ai donc, cette année-là, choisi de commencer à faire le ramadan. Ce qui m’a décidée ? Les notions de partage, de mise à l’épreuve de sa foi et de confrontation avec une réalité : endurer, pendant un mois, ce que vivent les pauvres durant toute l’année, pour se remettre en question.

Au début, je me suis cachée de mon père. En effet, il est totalement contre cette idée et ne fait le ramadan que par convenance, lorsqu’il est en Algérie.

Finalement, ma famille lui a parlé pour qu’il accepte mon choix et il n’a fait aucune remarque jusqu’à la fin des vacances.

Dans l’avion du retour, un repas était proposé à ceux qui le souhaitaient… des remarques de certains passagers ont fusé autour de moi : « Ah enfin! On peut manger tranquillement ! » « J’avais tellement soif ! Quelle idée ! »

Au-delà du choc que j’ai ressenti en entendant les gens parler ainsi autour de moi, cela m’a amenée à me poser des questions pour savoir pourquoi moi je le faisais vraiment, parce qu’il me semblait inconcevable de le faire « pour les autres ». Croire en Dieu, ça c’était évident, mais est-ce que j’étais prête à souffrir l’été sans boire ? J’ai fini par décider que oui, que c’était pour moi que je le faisais.

Je savais que ce ne serait pas facile de faire comprendre ma décision, à mes parents notamment.

Je dois me cacher pour prier

Les premiers temps, l’ambiance était un peu tendue à la maison. Je me souviens de nombreux moments un peu gênants où mes parents, oubliant totalement le ramadan, me proposaient des choses à manger et insistaient jusqu’à ce qu’ils se rendent compte de la raison de mon refus.

Mise à l’épreuve de sa foi, confrontation avec une réalité, endurer ce que vivent les pauvres toute l’année… J’ai choisi de faire le ramadan ! Dommage de ne pas partager ce mois, cette période de privation mais aussi de partage, avec la famille.

Peu à peu, au fil des années, l’idée s’est faite dans leur esprit et aujourd’hui, s’ils ne m’encouragent toujours pas forcément, ils attendent avec moi l’heure du F’tor (cette année aux alentours de 22h) et achètent du lait caillé et des dattes (pour couper le jeûne). C’est donc dans une meilleure ambiance que je fais désormais mon ramadan.

Sauf que l’an dernier, j’ai décidé de faire la prière, pour le moment seulement pendant le ramadan, car cela me demande une organisation assez importante… et finalement assez drôle. Tout d’abord, il m’a fallu me procurer un tapis, une tenue et découvrir comment m’y prendre. C’est là que mes amies m’ont beaucoup aidée : l’une me prêtant un livre pour apprendre à prier, l’autre m’offrant la tenue et le tapis, etc. A l’heure de la prière, au moment de faire les ablutions, l’objectif principal est de ne pas m’attirer les questions de mes parents, et lorsque je prie, d’éviter tout risque qu’ils entrent dans la chambre et qu’ils aient le choc de leur vie.

Pourquoi ne pas leur dire que je prie ? Parce que je ne sais pas à quoi m’attendre de leur part. Ils ne pourraient pas me l’interdire, mais je crains les remarques qu’ils pourraient me faire : sarcasme déguisé ou refus total (de la part de mon père qui, paradoxalement par rapport à ce qu’on pourrait penser, écoute beaucoup les médias et a une vision de la religion musulmane très négative). Cela donne des situations assez drôles. Il m’est déjà arrivé d’être en train de prier et d’entendre la poignée de ma porte se baisser. Dans un tel cas, je dois  me mettre derrière la porte pour la bloquer et dire à la personne derrière d’attendre 2 minutes (le temps d’enlever mon voile et de tout ranger).

Finalement, je trouve cela assez dommage de ne pas pouvoir partager ce mois de ramadan, qui au final est à la fois une période de privation mais aussi de partage, avec ma famille. C’est l’une des choses qui me manque lorsque je suis en France durant cette période puisqu’en Algérie, toute ma famille le fait, ce qui fait que la table est animée et l’on profite de la fraîcheur du soir pour sortir en famille. Ici, et c’est aussi dû au fait que j’ai grandi, je travaille la journée, je rentre chez moi, je prie, je fais à manger, puis je dîne, je prie encore, je vais dormir, je me réveille à nouveau pour prendre un petit déjeuner (vers 2h30-3h du matin) et retourne dormir. C’est plus mécanique qu’autre chose et ça perd de son charme, mais ce qui aide à tenir (surtout lorsqu’il fait 40°) ce sont les convictions propres, et surtout le choix propre.

J’ai décidé de faire le ramadan, c’est donc plus simple que lorsqu’on le fait par convenance.

 

Leyla, 23 ans, étudiante, Paris

Crédit photo CC Adobe Stock

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