Je me suis battue pour défendre ma grande sœur trisomique
Ma grande sœur est atteinte de trisomie 21.
En primaire, elle était dans une école normale à Paris. Un mercredi, au centre de loisir où on allait souvent, elle jouait tranquillement dans son coin. Moi, j’étais pas loin. Soudain, une fille de 9 ans, comme moi, a interpellé ma grande sœur qui en avait 12. Elle l’a insultée. Malgré sa trisomie, ma sœur comprenait et je sentais que ça lui faisait mal. Mes parents m’avaient dit de ne pas répondre aux insultes, de ne pas rentrer dans le jeu de ceux qui l’embêtent. Mais en tant que sœur, j’ai senti que j’avais le devoir de l’aider.
J’ai répondu aux insultes. La fille a continué, jusqu’à qu’on en vienne aux mains. Je lui ai foutu un coup de poing ! Je suis plutôt une fille gentille, timide. C‘était la première fois que je me battais. Les animateurs nous ont séparées, j’avais les larmes au yeux. On m’a mise dans une salle pour que je me calme. J’avais une petite entorse.
Ma grande sœur s’énerve très vite. Toute la journée, un animateur doit l’accompagner, parce que des fois, elle pète des câbles. Il faut bien que quelqu’un gère. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle les personnes ne voient pas ma sœur d’un très bon œil. Ils se sentent en danger à cause de son handicap et parce qu’on la surveille, comme une personne dangereuse.
Ma réputation en a longtemps pris un coup
À partir de là, ma scolarité s’est très mal passée. J’avais une sœur handicapée donc tout le monde rigolait. J’étais nouvelle dans cette école et j’ai vite compris que la fille que j’avais frappée avait répandu des fausses informations sur moi : « Elle est pas gentille », « elle vit dehors », « c’est une clocharde », « elle aussi elle a une maladie. Faut pas l’approcher ».
Malgré tout, je veille sur ma soeur comme elle veille sur moi. C’est une preuve qu’on s’aime. Cette période m’a permis de me rapprocher d’elle et j’en suis fière. J’ai réussi à me canaliser et à passer outre ce genre de critique, à ne pas répondre.
Imane aide sa soeur, Micro, lui, c’est son père ! Malvoyant, il a toujours eu besoin de soutien.
Au bout de quelques mois, j’ai su trouver ma place et m’intégrer. J’ai pu expliquer aux gens que ce qu’ils avaient entendu sur moi était faux. Ils ont su m’écouter et apprendre à me connaitre. Malgré les petites disputes avec ma sœur, ils ont compris qu’elle souffrait et que ce n’était pas de sa faute.
Maintenant que je suis au collège, ma sœur n’est plus avec moi. Elle a été envoyée dans une école spécialisée. Les gens ne savent rien d’elle. Chacune fait sa vie et on se retrouve le soir.
Pour moi, nous sommes tous égaux. Malgré nos différences, il faut de tout pour faire un monde.
Imane, 14 ans, collégienne, Paris
Crédit photo Café de Flore // © Jean-Marc Vallée