À 19 ans, j’avais juste le brevet des collèges, aujourd’hui je valide une licence d’Histoire
En Seconde, après avoir enchaîné trois lycées en moins de 6 mois, je suis devenu « indésirable » pour le système scolaire, pour moi-même et pour mes parents. Ils ont tout essayé pour me sortir de cette galère : internat loin de chez moi, lycée du matin (privé) et, le dernier espoir, la formation en alternance. Finalement je me suis inscrit dans une formation de technicien d’usinage sur 2 ans dans un lycée pro de Marmande.
La première année, mon employeur était le père de mon ancienne petite amie. Autant dire qu’on savait tous les deux que je brassais du vent… La deuxième année, je suis entré dans une grosse entreprise d’usinage aéronautique. Pointer, usiner, pointer, manger, pointer, usiner, pointer, rentrer. Au bout de 3 mois, mon tuteur et moi avons compris que je n’étais pas fait pour ce métier.
J’ai donc dû arrêter la formation en plein milieu d’année… faute d’entreprise. Nouveau départ à zéro. J’avais 19 ans, le niveau brevet des collèges, je circulais à pied et j’avais honte.
Je voyais mes amis aller en cours le matin, revenir le soir, rencontrer des gens, avoir une vie sociale pendant que moi je flânais sur mon canapé toute la journée. L’été suivant, pour des raisons extra-scolaires difficiles, je suis parti vivre en Auvergne, à Aurillac, chez mes grands-parents. Mon objectif : donner un nouvel élan à ma vie.
Je voulais être fier de ce que je faisais, être inséré dans cette société. Je voulais moi aussi connaître la vie étudiante et tout ce que ça implique. Être et faire comme tout le monde.
Pas à pas, j’ai repris goût pour les études
Je me suis inscrit en Diplôme d’Accès aux Études Universitaires (DAEU) en formation à distance avec l’Université de Bordeaux 3. Il fallait justifier de deux ans d’activité dans la vie active et avoir 20 ans au moment de passer l’examen de fin d’année. J’avais quatre matières à passer et autant de bouquins : Français, Anglais, Histoire et Géographie, qui me permettraient ensuite de rentrer à l’université.
J’ai travaillé toute une année et emmagasiné une méthodologie jusque-là inconnue. C’était beaucoup d’efforts pour réussir à entrer à nouveau dans cette spirale, pour ne pas décrocher. J’ai été reçu avec 13,125 de moyenne ! 14 en français, 14 en géographie, 16 en histoire, 8,5 en anglais.
Ensuite il a fallu que je trouve une orientation par moi-même. C’est pendant l’hiver 2014 que j’ai su que je voulais faire du reportage et devenir journaliste, en suivant tous les jours la crise ukrainienne. J’ai décidé de m’inscrire en Histoire et Histoire de l’art à l’université Toulouse le Mirail. Pour acquérir une culture générale et historique qui pourrait faire office de tremplin et me permettre d’entrer dans une école de journalisme à bac +3. Une fois à l’université, je voulais aller le plus loin possible.
Je suis actuellement à Bordeaux pour terminer ma licence d’Histoire après une quatrième année à la faculté. J’ai doublé ma deuxième année de licence, pourtant pas la plus difficile.
#Voixdorientation : cet article fait partie d’une rubrique hebdomadaire que nous publions dans Le Monde Campus !
Pendant ces quatre années, j’ai réalisé le gros travail que je devais effectuer pour rattraper mon retard de méthode et d’apprentissage. Les dissertations, les commentaires de textes, les exposés, les diaporamas, le travail régulier… autant de choses qui m’étaient inconnues. Je sortais d’un apprentissage dans une classe de quatre élèves avec des professeurs sans cesse à mes côtés, et j’atterrissais dans des amphis bondés de 500 personnes, livré à moi-même. Je débarquais de nulle part, je ne disposais d’aucun traitement de faveur et me voilà à travailler des heures durant sur l’histoire de la bande dessinée, la laïcité, la représentation du corps au Moyen-Âge…
Parfois, les gens me demandent comment il est possible d’être en troisième année de licence sans avoir fait de lycée général, sans avoir acquis certaines bases. Il faut seulement avoir de la motivation, de la rigueur et un peu de courage…
Travailler pour soi et non plus pour les autres et reprendre confiance en soi. Aujourd’hui, je suis fier de ce que j’ai fait, de dire ce que je fais et du chemin parcouru.
Arthur E., 24 ans, étudiant en licence 3 d’Histoire, Bordeaux
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