D’Afghanistan jusqu’en France j’ai marché pendant un an
J’ai eu des problèmes en Afghanistan. Ma maman travaillait un peu dans la police. Les talibans sont venus là où ma maman travaillait et ils ont voulu l’obliger à faire quelque chose. Ma maman a résisté et donc les talibans sont venus à notre maison et ils ont fait « pan pan pan ». Ils ont tiré avec le pistolet sur son bras, mais elle n’est pas morte, elle est allée à l’hôpital. Je n’ai jamais connu mon papa, donc j’étais tout seul avec mon frère. Ma mère nous avait toujours dit que s’il y avait un problème, on devait aller dans un autre pays. On voulait aller dans un pays où il n’y avait pas la guerre. On a demandé un passeport, on a fait le rendez-vous et on nous l’a donné. Alors on est partis d’Helmand, où on habitait.
Il fallait beaucoup d’argent pour passer les frontières. On a marché pendant un an. Je suis parti quand j’avais 13 ans et je suis arrivé à 14 ans. On ne mangeait pas beaucoup, un biscuit par jour. Mon frère avait 16 ans. On est d’abord allés en Iran, puis en Turquie. Puis, pour aller en Bulgarie, il a fallu attendre quatre jours et quatre nuits. On dormait dans les rues. En fait, on ne dormait pas vraiment, on marchait, on attendait de pouvoir passer. On avait un sac à dos chacun.
Pour passer la frontière, on n’a pas montré le passeport, on a couru pour passer le plus vite possible. Sinon, ils ne nous auraient pas laissés passer. On a attendu le bon moment. La police était là toute la journée et toute la nuit, c’était dur. Quand on est arrivés en Bulgarie, la police nous a attrapés mon frère et moi, avec un chien, et on est restés en prison pendant deux mois. C’était vraiment pas facile de dormir et de manger en prison.
On a décidé d’aller en France car la France, c’est beau
Après la Bulgarie, on est allé en Serbie. On est restés 20 jours, on a dormi dans un parc qui s’appelait Le Parc Afghan, parce qu’il y avait beaucoup d’Afghans. En Serbie, un jour, j’ai parlé avec un prof. Il n’avait aucun respect pour moi, alors que je parle plein de langues différentes ! Il m’a dit que je ne devais pas rester là, que je devais rentrer chez moi.
Après la Serbie, puis la Croatie, on est restés un mois dans une maison en Slovénie, puis on est arrivés en Italie, en bus. On est restés quatre jours. Mais après, on a décidé d’aller en France. On a pris le train, il n’y avait pas de problème. Pour se repérer, on avait Google Maps sur notre téléphone et on demandait aux gens.
Ebrima aussi a quitté son pays, la Guinée, avec son frère. Malheureusement, il s’est noyé en mer Méditerranée…
On a décidé de s’arrêter en France, car la France, c’est beau. Tout le monde respecte tout le monde, et il y a beaucoup d’Afghans. Arrivé à Paris, j’ai discuté avec un Indien qui m’a dit d’aller à la Chapelle, parce qu’il y a plein d’Afghans. J’y suis allé, et j’ai discuté avec un Afghan. Il m’a dit qu’ici, en France, c’était très bien. C’est pour ça qu’on a décidé de rester. Je suis allé directement voir une assistante sociale, qui nous a placés, mon frère et moi, dans un foyer à côté de Porte de Clignancourt. Je suis resté là-bas trois mois et après, je suis parti à l’hôtel à Pigalle, avec mon frère toujours.
Ça fait sept mois. J’ai commencé l’école il y a cinq mois. Ce que je veux maintenant, c’est rester en France, à Paris, apprendre bien le français, et trouver un travail dans l’électricité ou la mécanique.
Mujeebullah, 15 ans, collégien, Paris
Crédit photo Flickr // CC Ricardo’s Photography