J’ai rejoint la France en bus, en train, à pied
La mer, c’était dur, mais je pensais pas qu’une fois en Europe les frontières seraient aussi difficiles à traverser. En Sicile, les policiers nous ont accueillis sur la plage et nous ont envoyés dans un grand bâtiment. Comme une prison. Ils nous ont donné des vêtements et de la nourriture. Ils ont pris mes empreintes et m’ont envoyé dans un petit village, à Bonagia.
Dans ce village à côté de la mer, il y avait beaucoup d’étrangers, dans plusieurs bâtiments. Je suis resté un mois. Je connaissais personne… C’était très dur pour moi. On ne pouvait pas partir. On nous surveillait tout le temps. J’ai rencontré des personnes qui m’ont expliqué comment rejoindre l’Italie. Et un ami m’a dit que lui aussi voulait partir. Il ne fallait le dire à personne. On est sortis à 4h du matin, une heure après, on prenait un bus pour Palerme.
C’était compliqué de prendre des bus. On n’avait pas de papiers et en plus, on était mineurs. À Palerme, c’était pire. Mon ami connaissait quelqu’un là-bas. Il nous a pris des billets pour Rome et ils ont mis le bus dans le bateau. J’ai trouvé ça incroyable !
À chaque étape, retour à la case départ
À Rome, ils nous demandaient toujours les papiers et si on était mineurs. Si on leur disait, ils ne nous laissaient pas passer. On a passé deux ou trois jours dans la rue. On n’avait pas l’argent pour acheter à manger. Un monsieur nous a dit qu’il y avait un train pour Milan. Y avait pas trop de contrôle, on pourrait le prendre. Les contrôleurs nous ont demandé nos papiers. On a donné des faux noms et âges pour qu’ils nous laissent passer. Ils nous ont pas crus, mais ils nous ont laissés.
À Milan, c’était pareil. On ne connaissait personne, on avait pas de téléphone pour appeler et demander où aller. On a trouvé des gens comme nous. Ils étaient là depuis longtemps ! Ils nous ont dit de passer par la Suisse pour entrer en France. Parce que c’était très compliqué de passer par Vintimille. Alors j’ai pris le train, tout seul. Mon ami est resté à Milan : il disait que les Suisses sont racistes, qu’ils te mettent en prison. Il a eu peur.
En Suisse, dès que je suis descendu du train, les policiers m’ont arrêté. Ils m’ont demandé mon nom et mon âge. J’ai donné des faux. Je ne voulais pas qu’ils trouvent d’où je viens. J’ai dit que je voulais rentrer en France. Après trois heures, ils m’ont mis dans le train avec quelqu’un qui m’a raccompagné en Italie. À Milan, j’ai retrouvé mon ami. Il avait trouvé un train pour Vintimille. Et on a eu de la chance !
Aidé, j’ai fini par passer !
On est restés là-bas plusieurs semaines. À la frontière entre l’Italie et la France. Il y avait des milliers de personnes qui voulaient passer. Mais c’était fermé. Avec mon ami, on a pris le train plusieurs fois. Quand on est arrivé à Menton, en France, la police faisait des contrôles. On nous a arrêtés plusieurs fois et renvoyés à Vintimille.
On a donc décidé de passer à pied. Ça n’a pas marché. Enfin, mon ami a eu de la chance. Il a pris un train pour Marseille. Moi, j’ai pas pu monter. J’étais trop fatigué : on avait pas mangé depuis plusieurs jours. J’avais pas la force. J’ai réessayé quatre fois à pied. À chaque fois, ils m’ont arrêté et ramené à la frontière. C’est là que j’ai rencontré Cédric. Il habite à la frontière. Il m’a donné un plan et on est allés chez lui, la nuit. On est restés une semaine, on était fatigués. Après, il nous a accompagnés à Nice et nous a mis dans le train jusqu’à Marseille. Il y avait la police. Ils nous ont arrêtés et ils m’ont posé plein de questions, m’ont demandé où j’allais. J’ai dit Paris. Ils m’ont demandé si j’avais de l’argent. J’ai dit non. Ils m’ont laissé partir. Je suis enfin arrivé à Paris. Je ne sais plus dans quelle gare. Un Monsieur m’a accompagné à Stalingrad, là où il y a les étrangers… Et depuis, je suis ici.
Youssouf, 17 ans, lycéen, Ile de France
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