Ma banlieue, c’est un vivier de talents
J’habite dans la cité Pablo Picasso de Nanterre. Mon quartier, il est souvent présenté comme un quartier sensible. Sur Internet, quand on tape « Pablo Picasso Nanterre », on peut lire des articles sur le trafic de drogue, les affrontements entre les jeunes et la police, la pauvreté, les tours dégradées, et même des meurtres.
Mais moi, je vois l’envers du décor. Y a pas que des pauvres ou des délinquants. Y a aussi beaucoup de jeunes talentueux.
On a par exemple un réalisateur qui s’appelle Nicolas Sene. Son film s’appelle « Les étoiles : du rêve à la réalité ». Je l’ai vu au cinéma des Lumières de Nanterre en janvier de cette année. C’est un documentaire sur le Sénégal et j’ai trouvé l’idée cool.
On a des footballeurs qui vont devenir professionnels, comme l’un de mes meilleurs potes qui s’appelle Saadine : il a 15 ans et vient de signer à Guingamp. Il a été approché par un recruteur pendant qu’il s’entraînait à l’ESN, un club de foot des Pablo. Il y a aussi une personne que je connais de vue qui s’appelle Tarek, qui a signé à Châteauroux. Et aussi un autre pote, Younès qui a signé à Lavallois, dans la Mayenne.
Nos voisins qui font l’histoire
Pendant les grandes vacances, il y a eu un tournoi de foot à cinq qui a été organisé au Pablo Picasso par Nike avec Assane Thiam, un ancien surveillant de mon collège qui habite dans le quartier depuis toujours. Il a réussi à ramener un joueur professionnel qui s’appelle Sancho et qui joue au Dortmund et une joueuse de la Juventus. Avant l’événement, il m’avait raconté qu’il voulait faire venir les nouveaux crampons Mercurial de Nike avec des drones qui descendent du ciel et le jour du tournoi, il l’a vraiment fait !
On a aussi des boxeurs professionnels comme Jkitou Bilel, triple champion de WBC et champion d’Afrique. Il a fait treize victoires dont quatre KO et zéro défaite. Je le connais depuis longtemps, c’est le pote de mes cousins et sa mère, c’est la copine de ma mère. Avec les gars du quartier, on est allés le voir à Nanterre et au Zénith, on l’a grave encouragé, c’était impressionnant de le voir boxer en vrai.
Côté humour, on a un humoriste qui s’appelle Mourad Kateb, qui est passé au Jamel Comedy Club en 2015. Il a même joué dans le film « Neuilly sa mère, sa mère » l’année dernière. Y a aussi Booba qui a tourné son clip au Pablo. La plupart de mes potes du quartier sont passés dedans. Moi j’ai pas pu parce que j’étais en Tunisie à ce moment-là.
Président de l’association de quartier Zy’va, Mourad Kateb s’investit pour son quartier. Jeune humoriste touchant à tout, il s’est fait connaître du grand public par son passage dans le Jamel Comedy Club en 2017.
La nouvelle génération de talents
Tous ces gars, ils m’inspirent. Je les suis sur Instagram surtout que je les connais à peu près tous. Je trouve que c’est bien qu’ils n’oublient pas leur quartier une fois qu’ils deviennent célèbres, qu’ils continuent à habiter au Pablo ou au moins à revenir de temps à temps.
Moi, j’aimerais rentrer dans l’histoire de ma banlieue en devenant écrivain. Je suis ni fait pour le football ni pour la comédie, mais mon quartier, il m’inspire. Je pourrais écrire des mots qui feront méditer les jeunes du futur, leur montrer qu’ils peuvent devenir de grandes personnes, qu’il faut juste se faire confiance. Comme ça, je deviendrai un talent de plus dans ce quartier. Pour rendre fier mon entourage et prouver que c’est pas parce qu’on vient d’un quartier dit « compliqué » qu’on est forcément destiné à ne pas briller.
Yassine, 14 ans, collégien, Nanterre
Crédit photo Hans Lucas // © Matthieu Rondel
C’est beau….
Tes mots sont beaux , ton histoire est cru et sincère. Ce texte inspire l’insouciance de l’enfance ,les rêves d’un ado et des projets d’adultes.
Magnifique !!!
On vit la même chose aux Mureaux … en essayant d’embarquer tous les habitants dans ce changement de regard
https://lesmureaux.info/vivre-les-mureaux/
Et ca marche 😉 continuons tous à faire briller le beau c’est tellement inspirant
Oh que c’est beau et comme tu as raison de ne pas voir que les mauvaises choses et vouloir parler du positif. Si tout le monde était comme toi : comme nous serions tou(te)s heureu(ses)x.
Vis tes rêves, tes passions.
Je suis une maman de 55 ans vivant en Bretagne et même ici c’est loin d’être rose tous les jours mais tu m’as émue : merci. Belle année 2020