Dans une petite ville, si t’es gay, ça se sait
Le premier garçon, je l’ai rencontré au collège de ma ville. On avait tous les deux 14 ans. Avec lui, j’étais sur un nuage. Ça ne restait qu’entre nous. Certains savaient quand même mais ne disaient rien : des amis, et des personnes qui faisaient des gros yeux… mais on était discrets quant à notre homosexualité.
Dans ma ville, il y a à peu près 4 500 habitants, et chez ma grand-mère, dans le quartier où je suis les week-ends, les jours fériés et les vacances, on est 500. Il n’y a aucun endroit pour faire des rencontres… Ici, les bars pour faire les rencontres que j’aimerais, il n’y en a pas ! Et puis tout le monde se connaît, ça peut raconter vite.
J’avais peur qu’on me reconnaisse dans la rue
Le destin a fait qu’un foutu cancer a emporté mon copain quand on allait avoir 20 ans. Il est parti dans mes bras et, avant de fermer les yeux, il m’a dit : « Ne pleure pas quand tu penseras à moi. T’inquiète pas, un jour tu trouveras une personne qui sera aussi bien que moi. »
Avec un autre copain, on s’est rencontrés là où je travaille. Il y est resté cinq-six ans, avant de partir dans une autre entreprise. Je me suis un peu séparé de lui à cause des insultes. À chaque fois que j’ai une relation, c’est critiques, insultes… Des personnes dans la rue, dans la famille et au foyer où je vis. Je me prends de ces phrases dans le tronche !
Ces dernières années, plusieurs personnalités ont affirmé que l’homosexualité était un choix, ce qui a provoqué de nombreux débats. France Culture décortique les idées reçues sur l’homosexualité avec Stéphane Clerget, psychiatre et auteur du livre Comment devient-on homo ou hétéro ?.
Surtout des injures… « Bande de PD », « vous êtes que des pédales », « regarde ils sont ensemble les deux PD », et des menaces : « Ne me touche pas sale PD, sinon je te tue », « tu vas mourir si tu le fais avec n’importe qui. » Dans la rue, une fois, j’étais sorti avec mon copain, on allait au magasin et des gens nous ont dit : « Bande de PD ! » On a réagi très mal : « Tout ce que vous dites, ça rentre d’un côté, et ça ressort de l’autre ! »
Avant, j’avais peur que ces gens dans la rue me reconnaissent, mais plus maintenant. Déjà parce qu’il y en a que je ne croise plus. Mais aussi parce que, maintenant, je sais par les réseaux qu’il y a plein de personnes qui sont dans la même situation que moi. Et qu’il y en a qui ne se laissent plus faire. Je suis sur un groupe LGBT sur Facebook : dessus, tout le monde se respecte. Comme ça, je sens que je ne suis pas seul. Il y a des gens qui sont venus sur le groupe pour dire des méchancetés mais, tout de suite, ils ont été bannis ! Grâce à ça, je me sens même mieux dans la rue.
Les réseaux, mon domaine secret aux couleurs de l’homosexualité
Du coup, j’y suis dès que j’ai internet ! Il y a des personnes du groupe qui m’écrivent même constamment sur Messenger, Instagram, Snap. Ils m’envoient des vidéos de leurs journées. Il y en a qui sont devenus des amis. Certains sont jusqu’en bas de la France ! Du côté de Marseille, de Toulouse. Je ne les ai jamais rencontrés, même si j’aimerais bien.
Mon téléphone, c’est devenu mon domaine secret. La plupart des émoticônes sont aux couleurs L(G)BT et en forme de cœur (je mets le G entre parenthèses pour mettre en avant « gay »). Sur ma photo Facebook, on me voit moi, avec un cœur aux couleurs L(G)BT. Sur Tiktok, certains de ma famille avaient accédé à mon profil et m’ont critiqué. Du coup, sur mon profil, j’ai écrit : « Cherche l’être aimé 🏳️🌈 gay et ceux qui ne sont pas contents ferment leur grande gueule ! »
Je suis célibataire depuis à peu près cinq, six ans maintenant. Sur TikTok et Instagram, je cherche, mais je ne trouve personne qui vit dans les environs. Je voudrais une vie où plus personne ne dit toutes ces choses horribles, où les gens arrêtent de faire des différences. Mais je ne voudrais pas vivre ailleurs.
Amir est originaire du Maroc. Là-bas, il ne pouvait pas vivre son homosexualité librement. Alors il a fui et a trouvé refuge en France, un pays où on l’accepte tel qu’il est.
Pour le moment. Menou, c’est l’endroit où je vis depuis tout petit, et tant que ma grand-mère et mon oncle sont là, je ne bouge pas du secteur. Si je déménage… ce sera tous les trois, avec mes cinq chiens ! Ma grand-mère m’a tellement aidé que, à présent, je veux l’aider à mon tour. Je les aiderai jusqu’au bout de leur vie, et oui, en même temps, je compte bien trouver l’amour de ma vie.
Jack, 29 ans, salarié, Sainte-Menehould
Crédit photo Unsplash // CC Honey Fangs
« Soyez vous-même, c’est votre seule chance d’être original »
M.Pagnol