Juliette Z. 02/04/2021

Mes études à l’étranger mais… en France

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Faute de visa, j'étudie dans une université québecoise depuis ma chambre, à Annecy. Décalage horaire, moindre accès aux opportunités offertes par ma formation... Ce n'est pas pour ça que j'avais signé, et pourtant !

Cela fait huit mois que que je guette mes mails en espérant voir arriver celui qui me délivrera : mon visa. Je vois des Français recevoir les leurs, délivrés au compte-goutte, et toujours rien de mon côté. Une situation angoissante, d’autant que je n’ai aucune nouvelle des administrations. J’attends, mon année en stand-by, bloquée pour la suite.

Je réalise mon master dans une école au Québec, l’UQAT (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue), avec six heures de décalage horaire. C’est un master en création numérique, qui permet de créer avec beaucoup de liberté des projets de A à Z. C’est ce qui m’a plu dans cette formation, ce qu’on ne retrouve pas en France. J’ai effectué ma demande de permis d’études, pour un départ initialement prévu mi-août. Mais, depuis, je crée mon projet d’installation artistique numérique à distance et je n’ai pas vu de professeur en physique.

Dans un sondage de la Commission européenne, 55 % des étudiant·e·s pensent que reporter son année à l’étranger est la meilleure solution. Depuis le début de la pandémie, les semestres ou stages hors Europe sont compromis.

Mes cours commencent au moment du couvre-feu

Aujourd’hui, je tente de me réveiller à une heure raisonnable mais, comme depuis huit mois, c’est un échec. Quand je sors de mon lit, je vaque à une matinée normale : petit-déjeuner, douche, un épisode de série… Je prends mon temps pour tout. Puis, je me mets à travailler, sur mon bureau, dans ma chambre. Après ça, j’ai encore du temps : j’essaie de bouger, de sortir, de voir du monde. Mes cours commencent rarement avant 18 heures, au moment du couvre-feu, je suis en pyjama devant mon ordinateur. Je finis généralement vers 21 heures, si aucune réunion n’est prévue ensuite !

J’ai beaucoup de mal à me projeter sur mon année prochaine. Je suis de plus en plus inquiète : non seulement de passer encore une année depuis ma chambre en France, mais aussi de finir ce master sans les compétences que j’aurais dû acquérir en présentiel.

J’avais signé pour des températures à -20°C

À l’UQAT, on a du matériel numérique high-tech à disposition pour nos cours. En loupant une année là-bas, c’est du savoir technique qui m’échappe. Et c’est aussi une année loin de mes professeurs. La pédagogie québécoise est assez différente des méthodes françaises. Les élèves ont un lien proche avec les profs, construit sur le soutien, l’écoute et l’échange de ressources. Mon projet de master aurait dû être nourri par des réunions de groupe, des expositions et des événements culturels. Mais tout ça se fait bien loin de moi.

La Covid entrave également les études en alternance. Benoît, 15 ans, espère depuis des mois trouver une entreprise, sous peine de devoir quitter son bac pro.

Je suis consciente que ce contexte est compliqué pour tout le monde, mais je ne peux pas m’empêcher de ressasser le fait que j’avais signé pour des températures à -20°C, des bières canadiennes, une vie de promo et les paysages d’un autre continent.

 

Juliette, 23 ans, étudiante, Annecy

Crédit photo La ZEP

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