Rixes : Mayotte ou Marseille, mêmes combats
Une nuit de novembre 2019, entre 23 heures et minuit, deux bandes adverses se sont disputées jusqu’à faire un mort et cinq blessés. Je regardais la télé dans ma chambre, et c’est là que ma sœur et moi avons entendu des gens crier dehors. On a aperçu deux gangs se battre. Une personne a tiré et des voisins ont appelé la police. Mais les gens ont continué jusqu’à leur arrivée, puis ils ont été embarqués. J’habite aux Rosiers, une cité des quartiers Nord de Marseille et ce massacre m’a traumatisée.
Dès le lendemain, l’un d’eux a été relâché. Ma sœur est allée lui parler, et de ce qu’elle m’a rapporté, l’homme a été remis dehors parce qu’il connaît des policiers. J’habite seule avec elle. Elle a 22 ans et travaille en tant qu’aide-soignante.
Certains policiers sont corrompus parce qu’ils préfèrent l’argent plutôt qu’aider les personnes qui en ont besoin. Moi, j’ai peur qu’un jour j’ouvre ma bouche pour dénoncer les violences dans mon quartier et qu’on me fasse la peau. Il faut apprendre à la fermer pour ne pas avoir de problèmes avec les gangs du quartier.
Jamais je n’avais été témoin d’un massacre
Avant de venir habiter à Marseille, je vivais à Mayotte. Je suis partie seule pour continuer mes études, d’abord chez mon oncle à Arles puis ici. À Mayotte aussi, il y a des quartiers qui sont en conflit.
Les gens en viennent souvent aux mains pour des rivalités. D’autres vont jusqu’à brûler des voitures ou des maisons pour terroriser les gens, notamment les enfants du quartier adverse. C’est arrivé à ma sœur, de voir débarquer dans son école des inconnus d’une bande rivale ! J’habitais dans un quartier violent où des gens étaient persécutés, mais jamais je n’avais été témoin d’un massacre.
Les coups de feu m’ont terrorisée
Surtout, les gens n’avaient pas de flingues. Même si, contrairement à Marseille, la police ne vient pas dans les quartiers pendant les violences, mais seulement une fois que c’est fini. Je pense qu’ils ont peur.
En arrivant ici, ce sont les coups de feu qui m’ont terrorisée. Aussi, je n’avais jamais entendu parler de la drogue avant de venir ici. Quand j’ai vu des gens venir acheter de la drogue dans la cage d’escalier de ma cité, j’ai compris que j’étais face à une nouvelle forme de violence. À Mayotte, les habitants se battaient pour leur quartier.
Une bagarre, puis une autre… Imane a fini par s’habituer. Elle n’a jamais participé à une rixe, mais en connaît bien les conséquences : les marches et le deuil.
Que des bagarres surviennent à Mayotte ou Marseille, pour moi, c’est pareil : je trouve ça injuste de faire vivre les gens dans la terreur. On est dans un pays libre et on devrait avoir le droit de dénoncer tout haut les violences sans avoir peur !
Sammy, 16 ans, lycéenne, Marseille
Crédit photo Unsplash // CC Maxim Hopman
Les rixes, pas un phénomène nouveau
Selon la direction générale de la police nationale, les rixes ont connu une hausse de 24 % en 2020. Marwan Mohammed, sociologue chercheur au CNRS, décrypte cette évolution sur le plateau de « C l’hebdo » sur France 5.