Je vis avec la crainte d’être agressée sexuellement
Dès mon plus jeune âge, ma mère nous a toujours éduqué de la même manière avec mon frère. Que ce soit concernant la politesse, l’aide à la maison, les sports, les jeux ou encore les vêtements.
Je me rappelle d’un jour, sur le chemin de l’école, où elle nous a dit : « Vous savez, les gens ne sont pas tous gentils, malheureusement, donc maman va vous préparer aux nombreuses situations qui pourraient vous arriver. » Elle nous mettait donc dans des situations délicates et nous devions lui dire comment on réagirait. Les situations récurrentes étaient les suivantes : « Si une personne vient vous chercher à la sortie de l’école et dit être l’un de mes amis, comment réagirez vous ? » Ou encore : « Si vous remarquez que quelqu’un vous suit, comment réagirez vous ? » Au début, nos réponses ne lui convenaient pas, et elle nous expliquait pourquoi. Et au fil du temps, elle était satisfaite de chacune de nos réponses.
Mais malgré un nombre considérable d’entraînements, cela ne m’a pas aidé lorsque je fus confrontée à une telle situation, il y a 5 ans. J’avais 10 ans, je rentrais des cours de chinois après une journée de canicule. Il devait être aux alentours de 17 h 30, mais le soleil battait toujours son plein. Cela faisait plus de 2 semaines que j’allais aux cours de chinois. Ce jour-là, il faisait particulièrement chaud, donc j’avais décidé de m’acheter une glace et de rentrer à pied. Chose inhabituelle car je rentrais toujours en métro, mais conventionnelle.
Il m’inspirait confiance
Après 15 bonnes minutes de marche, j’étais enfin arrivée à destination, devant mon immeuble. En composant le code d’entrée, un homme inconnu, âgé d’une vingtaine d’années, rentre dans le bâtiment avec moi, on s’est salué d’un : « Bonjour » cordial. Cheveux blonds, yeux marrons, il était habillé proprement et m’inspirait plutôt confiance.
Après la première porte, il fallait passer une autre mais cette fois-ci avec une clé. Ayant la clé sur moi, et étant devant lui, j’ouvre et lui tiens la porte. Arrivée dans l’ascenseur, j’appuie le numéro de mon étage, le 8e. Étrangement, il n’a pas appuyé sur un autre numéro, ce qui laissait comprendre qu’il demeurait au même étage que moi. Quelques secondes après être entrée dans l’ascenseur, il m’a posé une question qui m’a mis extrêmement mal à l’aise : « Portes-tu des sous-vêtements ? »
Libérée, mais effondrée
Choquée, heurtée et déroutée, je ne savais pas quoi répondre à une telle question, j’ai donc décidé de laisser planer un silence. Il a alors enchaîné par une autre question : « Tes parents sont-ils chez toi ? » Et heureusement, après un nombre incalculable d’entraînements, j’ai répondu : « Oui, mon père m’attend devant la porte de chez moi, donc tu ferais mieux de me laisser tranquille. » Mais malheureusement… cela ne s’est pas du tout passé comme ça, je lui ai répondu : « J’ai peur, j’ai peur. » Il me regardait droit dans les yeux et m’a dit : « Bon cette fois, je te laisse y aller, mais la prochaine fois, tu verras. » Cette discussion qui me paraissait durer 1 heure, s’est passée, en réalité, dans un laps de temps de 45 secondes.
Enfin, l’ascenseur s’est ouvert, j’ai couru pour atteindre la porte de chez moi. Arrivée chez moi, j’étais libérée mais effondrée. J’ai tout de suite appelé ma mère pour lui expliquer ce qui venait de m’arriver et elle est rentrée immédiatement. Le jour suivant, on est allé au commissariat, mais cela n’a mené à rien : « Merci pour votre description, on regardera aux alentours mais comme il ne vous a rien fait, on ne peut rien faire de plus. » Ce jour-là, je me suis sentie impuissante. J’avais 10 ans et j’avais déjà perdu mon insouciance de jeune fille. Cet événement, arrivé si jeune, a marqué une vie, la mienne.
Les répercussions de cet évènement sur ma vie
L’année suivante, j’arrivais au collège mais je ne pouvais plus rentrer chez moi, ou du moins j’avais peur de rentrer chez moi seule. Le fait de marcher seule dehors ne m’effrayait pas le plus, c’est les quelques mètres entre la porte d’entrée de l’immeuble et la porte de chez moi qui me terrifiait davantage. Par conséquent, quelqu’un devait venir me chercher en bas de l’immeuble et rentrer avec moi. Ainsi, cet événement m’a complètement traumatisé et affaibli. Et aujourd’hui, la peur d’être suivie est constante, mais je fais beaucoup plus attention. Plus attention à où je vais, à ce que je porte, à quelle heure je sors, à qui marche derrière/devant moi…
Après ce premier incident, j’ai été confrontée à des remarques sur mon corps, sur ma tenue vestimentaire, mais aussi à des comparaisons lorsque je sortais avec des amis, mais je ne disais rien. Vous allez sûrement me demander, mais pourquoi tu ne disais rien ? Je ne disais rien car la peur régnait encore en moi. Mais, je souligne le courage des hommes et des femmes qui répondent à ces remarques désobligeantes !
À ce jour, j’essaie de voir le côté positif de cet évènement traumatisant. En effet, même si ce traumatisme de l’enfance persiste en moi, il m’a permis de me sensibiliser et de me politiser sur certains sujets. Et j’essaye de lutter chaque jour contre le harcèlement de rue, en le signalant, en relayant des témoignages sur les réseaux sociaux – notamment les igtv (vidéo d’une minute ou plus) et les posts sur Instagram – , et en participant aux manifestations. En effet, depuis peu j’essaie de participer aux manifestations qui me tiennent à cœur. Ma toute première manifestation s’est déroulée en novembre 2020, c’était une manifestation contre les violences sexistes et sexuelles. C’est là que je me suis sentie concernée, légitime et confiante !
Louise, 15 ans, lycéenne, Paris