VIDÉO – Le sport dans le 93, c’est où on peut
J’ai grandi en cité. Le sport, c’est ma vie. C’est ce que je fais tout le temps avec mes potes. Ça a aussi été un salut dans plusieurs moments de ma vie. On a commencé dans nos cités, juste à côté de chez nous. Entre des arbres, on avait des cages. Le sol, c’était avec des cailloux et du sable. On y a fait nos premiers bobos et nos premières compétitions. Nos premiers amis aussi.
En primaire–collège, on a voulu trouver des nouveaux terrains, un peu plus en accord avec notre idée du terrain de foot exceptionnel. Comme ceux qu’on voyait à la télé. Mais, la réalité, c’était que pour pouvoir accéder à ce genre de terrain, il fallait, soit aller beaucoup plus loin, notamment dans d’autres villes (par exemple à Fontenay), soit entrer en club. Mais quand tu vis dans un foyer où on te dit « concentre-toi sur les études, il faut que tu les réussisses », et où il n’y a pas forcément les moyens, ni de te payer une carte Navigo (surtout quand tu n’en as pas forcément besoin puisque ton école est juste à côté), ni de te payer un club, alors il faut que tu prennes tes jambes et que tu marches.
J’ai plein de potes qui sont sortis sur bobos
On s’est rendu compte qu’à Montreuil, les infrastructures ne sont ni forcément adaptées, ni très ergonomiques quand tu veux faire du foot ou du basket. On trouve souvent des terrains mixtes : si tu veux faire du foot et qu’il y a des mecs qui font du basket, c’est frustrant. Pareil si tu veux faire du basket mais qu’il y a des mecs qui font du foot. Tu ne peux pas vraiment accéder à ce que tu veux. Donc il faut encore te déplacer. Pendant ces vingt-quatre ans de recherche du terrain idéal, il y avait toujours quelque chose : des racines qui sortent du terrain, des cages de foot trop proches des arceaux de basket… Dès que tu montes au panier, tu te prends les cages qui sont derrière et ça fait des bobos. J’ai plein de potes qui sont sortis sur bobos. Et ça, c’est dommage. Il y a des terrains qui sont trop glissants aussi.
Quand on a grandi, on a commencé à aller sur Paris, notamment pour nos études, à l’arrivée à la fac. C’est là où on s’est rendu compte que, dans certaines villes, le sport est géré différemment. Sur Paris, par exemple, les terrains de basket et de foot sont magnifiques. Tu trouves des terrains de basket où t’as envie de faire du basket.
Vadrouiller, c’est rentré dans ma personnalité
C’est là qu’on s’est dit que Montreuil, c’est une ville qui a mis beaucoup d’argent dans ses infrastructures (ça c’est vrai, surtout dans les dernières années) mais, malheureusement, le ressenti qu’on a sur un terrain quand on l’utilise et le ressenti qu’on a quand on passe juste à côté, il est différent. On se rend très vite compte que l’ergonomie n’est pas adaptée et ça devient frustrant quand on joue.
Aujourd’hui, j’ai des potes qui ont réussi à rentrer en club et, ça, c’est une fierté. Ils jouent deux ou trois fois par semaine, ils font des matchs, on va les voir, et il y en a d’autres comme moi qui continuent à vadrouiller. C’est rentré dans ma personnalité. Je n’avais pas le choix au début, mais maintenant je kiffe partir dans d’autres villes, rencontrer et découvrir des nouveaux terrains et des nouvelles personnes.
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Aujourd’hui, j’ai cette liberté, cette carte Navigo que je ne paye pas cher parce que je suis étudiant. Et depuis que j’ai 18 ans et que je suis un grand garçon, je peux me permettre d’aller loin sans que mes parents aient peur pour moi ou quoi que ce soit. C’est à partir d’un certain âge et d’une certaine liberté de mouvement que j’ai commencé à vraiment apprécier être sur les terrains.
Ahmed, 24 ans, étudiant, Montreuil
Musique : Kiala Ogawa // Réalisation : Nathalie Hof // © ZEP