Pria B. 08/11/2021

Mon quartier, c’est les Grands et des bâtiments

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Pria vit dans un quartier de Trappes qu'elle a vu changer au fil des années. Un endroit qu'elle va bientôt quitter, avec quelques regrets.

J’habite à Castiglione del Lago à Trappes, dans les Yvelines. Ce quartier a quelques infrastructures, il y a deux grands bâtiments (les 5 et 7) de onze étages. Avant, il y avait un petit parc d’environ quatre-vingt mètres carrés où tout le monde allait, mais ils l’ont détruit pour le remplacer par un vieux parc pour des enfants de 3 ans. Il y a beaucoup de gens, des familles nombreuses ou pas… Et les Grands de mon quartier.

Tous les mecs ne sont pas des Grands, seulement ceux qui ont le temps de s’occuper de nous. Ils ont entre 21 et 30 ans. Certains sont mariés et doivent s’occuper de leur famille, mais viennent très souvent nous voir. Ils ont un « garage » (c’est comme ça qu’on l’a toujours appelé), qui était de base un local à vélo au rez-de-chaussée du bâtiment 7. Dans le garage, il y a plein de motos, une télé, un canapé plein de tables et de barbecues rangés. L’endroit est très sombre. On n’y rentre jamais car il n’est ouvert que si le mec qui a la clé est là.

Des jeux et des discussions sur la religion

Ils nous proposent plusieurs petits jeux dehors comme le loup-garou, le bouchon, la balle au prisonnier. Les grands nous font des barbecues tous les ans vers le 6 juillet et nous, les filles, on se lève tôt le matin pour faire des brochettes ou assaisonner le poisson. Environ dix jours après, ils récompensent les filles qui ont aidé en leur payant le Parc Astérix pendant les grandes vacances.

À part les jeux, ils nous apprennent aussi la religion musulmane. Ils sont majoritairement musulmans, mais ne font aucune différence avec les autres religions. On s’installait parfois autour d’une table dehors et ils nous apprenaient la vie des prophètes, c’est quoi un bon comportement dans l’islam. Ce serait bien s’ils le faisaient encore aujourd’hui ! Mais il n’y a plus beaucoup de gens dans le quartier, même moi je vais m’en aller.

Du bruit et des gens dans les escaliers

Je déménage de ce quartier en septembre dans une nouvelle résidence vers la gare (à dix minutes), car mon père ne l’aime plus du tout. Des jeunes qui n’habitent pas bâtiment 5 ou 7 se retrouvent aux alentours de 4 heures jusqu’à 7 heures. Mon père travaille de nuit et rentre à 6 h 30 chez moi. Ils écoutent de la musique à fond et dérangent les voisins. Un soir en 2016, notre voisin d’à côté a voulu leur demander le silence et il s’est fait poignarder… Il a sonné chez nous pour demander de l’aide.

Georgy et Soukaina vivent toutes les deux à Trappes. Elles décrivent une ville multiculturelle et festive, aux antipodes des clichés relayés parfois dans les médias.

Image divisée en deux : à gauche une jeune fille de dos qui ouvre les bras face à des arbres, à droite quatre personnes les unes à côté des autres qui regardent dans la même direction, le visage éclairé par le soleil.

Ce voisin a déménagé deux ans plus tard et les bruits continuent toujours. Depuis cet incident, je ne me sens pas beaucoup en sécurité, je prends rarement les escaliers sauf quand les deux ascenseurs sont bloqués (j’habite au dixième étage). Vers 2018/2019, il y a eu beaucoup de changements dans le quartier : beaucoup de mes copines ont déménagé, donc je n’en ai plus beaucoup dans le square. Celles qui restent ne sortent plus du tout à cause des études, ou sortent en dehors du quartier (comme moi désormais). On se voit à des événements comme des mariages et des barbecues, mais c’est tout.

Je ne sais pas ce qui a changé le quartier. Pour moi, ce sont les départs des gens et l’arrivée de nouvelles personnes qui « remplacent » les anciennes. Mes frères, eux, ont trouvé plein de nouveaux amis dans les nouveaux voisins et traînent ensemble dehors. Mon quartier, je l’aimais bien grâce aux gens qu’il y avait avant, il y avait de l’ambiance. Mais comme beaucoup de gens sont partis, l’ambiance disparaît petit à petit, et l’ennui est apparu.

Pria, 16 ans, lycéenne, Trappes

Crédit photo Pexels // CC cottonbro

 

L’abandon des QPV par l’État

L’ennui des habitant·e·s dans les QPV est souvent lié au manque d’infrastructures publiques

Les 1 500 quartiers de la politique de la ville (QPV) en France disposent en moyenne de 30 % de capacité financière en moins par rapport au reste du pays, alors que le taux d’imposition y est deux fois plus élevé.

 

Un plan proposé pour réduire les inégalités

En 2018, Jean-Louis Borloo a remis à Emmanuel Macron un rapport dans lequel il souligne l’enclavement des banlieues, le manque de considération et de moyens alloués. Le rapport contient dix-neuf grands objectifs pour améliorer la vie des quartiers.

 

Le plan n’a été que très peu mis en oeuvre

Emmanuel Macron l’avait annoncé : il ne mettra pas en œuvre ce plan, qu’il jugeait trop déconnecté de la réalité du terrain. Il a tenu promesse : trois ans après, les écarts entre les QPV et le reste de la France se creusent toujours.

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1 réaction

  1. ca a du etre une bonne ambiance.

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