Caroline L 19/11/2021

J’ai gagné mon combat contre le harcèlement

tags :

De ses 8 ans à ses 15 ans, Caroline a été victime de harcèlement scolaire. Elle a réussi à s’en sortir et à 21 ans, elle est fière du chemin parcouru et de celle qu'elle est devenue.

Je n’étais pas très forte à l’école, alors un beau jour ma maîtresse a décidé de me mettre à côté du meilleur élève de la classe afin de m’aider. Contrairement à ce que tu peux penser, ce n’était pas juste « l’intello » qui n’avait pas beaucoup d’amis. C’était plutôt le gars « super beau et intelligent », chose sur laquelle je n’étais pas totalement d’accord mais là n’est pas le sujet. Les semaines passent jusqu’au jour où il m’insulte de « salope » sans aucune raison, à l’âge de 8 ans. Ça craint nan ? De plus en plus souvent, de plus en plus violemment, et évidemment dans une école, les nouvelles vont vite ! Je me sentais rabaissée, humiliée… Je me retrouve avec des idées noires plein la tête, sympa pour une gamine de 8 ans, nan ?

Et voilà, c’est là que tout a commencé. Évidemment j’ai redoublé mon CE2, mon comportement a changé, je me mettais à l’écart et le peu de fois où je parlais, que ce soit avec ma famille ou autre, je devenais insupportable. J’étais tout simplement triste, mal dans ma peau… Mais à l’âge de 8 ans, comment on est censé exprimer tout ça ? J’ai essayé de rester forte, de toute façon je n’avais pas trop le choix.

Les paroles blessantes faisaient partie de mon quotidien

Le collège me voilà ! Moi qui pensais pouvoir tourner la page de ce calvaire, je me retrouve avec mes chers anciens camarades de classe. Pour mon plus grand bonheur, évidemment. À cause de mon redoublement, je me retrouve en 6ème et eux en 5ème et puis c’était le collège du quartier, logique qu’ils soient tous là. En étant dans une classe inférieure à eux, ils se sentaient supérieurs, c’est dingue ça ! Si tu pensais que le collège était l’endroit où on devenait mature, détrompe-toi ! Les premières semaines de cours passent, j’ai l’impression d’être dévisagée sans cesse, mais si seulement il n’y avait que ça. Les paroles blessantes faisaient partie de mon quotidien et malheureusement je laissais absolument tout passer, par peur de connaître pire. Je sombrais peu à peu, je n’avais aucune confiance en moi, j’étais là mais sans être là. Je me disais que ce n’était qu’une passade et qu’il fallait être patiente.

En plein milieu de mon année de 3ème j’ai décidé de dire stop à tout ça, j’ai alors pris la fuite en ne retournant plus jamais dans ce collège. J’avais 15 ans, donc évidemment aux yeux de l’éducation nationale, ça ne passait pas. Bien évidemment, je me suis demandé comment allait réagir mon entourage et l’école même si, au fond, j’espérais ne pas avoir de leurs nouvelles pour une raison très simple : devoir expliquer mon mal-être et tout ce que cela a engendré. J’avais énormément de difficultés scolaires. D’après les professeurs, je ne voulais tout simplement pas apprendre, mais comment veux-tu apprendre dans des conditions pareilles ? Quand ce n’était pas les élèves, c’était les professeurs qui me rabaissaient à la moindre mauvaise note, mauvaise réponse… C’était peut-être pour eux plus simple que d’admettre que j’étais malheureuse. Je m’absentais de plus en plus, je devais donc me justifier à chaque fois et les mensonges s’enchaînaient. J’ai fini par craquer. J’en avais tout simplement marre de voir tous ces adultes censés nous encadrer jouer les aveugles, comme si le harcèlement était quelque chose de normal pour eux.
Quelques semaines après avoir arrêté d’aller au collège, j’ai été convoquée pour parler à la CPE. Je n’ai rien su dire à part « je sais pas, je n’y arrive plus ». J’étais alors pour elle en « dépression » ce que je trouvais ridicule, ou plutôt je ne voulais pas l’admettre.

Au départ, mes parents ne me croyaient pas

J’ai enchaîné rendez-vous sur rendez-vous avec assistante sociale, éducatrice, psy… Je préférais me réfugier sur les réseaux sociaux, particulièrement sur Facebook où j’ai rencontré une personne qui m’a soutenue. Elle m’a tout simplement comprise, quand je pensais que personne ne le pouvait. Elle m’a aidé à remonter la pente, à prendre confiance en moi. Je ne dis pas que ma famille n’était pas présente, mais eux pensaient « une fille comme toi ne peut pas se faire harceler, c’est impossible ».Au mois de mars, la fameuse assistante sociale dont on m’avait tant parlé, accompagnée de sa chère collègue l’éducatrice, sont venues chez moi pour parler de ce dont je n’avais jamais parlé à mes parents, le harcèlement.

Au départ, mes parents ne me croyaient pas, ils n’avaient pas confiance en l’éducation nationale, du coup ils n’écoutaient pas réellement les paroles de l’assistante sociale et de l’éducatrice. Mes parents disaient oui à tout, mais n’étaient pas vraiment emballés. Ils ne voulaient pas ouvrir les yeux sur la situation. Et puis, ils ont compris petit à petit, quand ils ont remarqué que je ne voulais croiser personne, que j’avais tous les jours la crainte de retomber sur d’anciens camarades de classe à l’extérieur du collège.  Parce que oui, le harcèlement scolaire n’est pas juste « scolaire » quand tu ne te sens pas en liberté à l’extérieur, ça va bien plus loin que ça. À chaque rendez-vous que l’on me fixait, que ce soit avec l’éducatrice, l’assistante sociale, la psy… je faisais en sorte d’y aller la semaine, sauf le mercredi après-midi car il n’y avait pas école. Même en prenant ces précautions, j’avais toujours cette boule au ventre quand je mettais un pied dehors, l’angoisse de croiser de nouveaux leurs regards, de me faire arrêter dans la rue, de devoir justifier mon absence, de devoir faire semblant d’aller bien. Je demandais alors à ma mère de m’accompagner. Mais j’avais oublié un détail : les réseaux sociaux. Je m’en suis aperçue quand j’ai remarqué tous ces messages hypocrites de mes anciens camarades de classes qui me demandaient où j’étais passée, ou si j’étais tout simplement morte. J’ai donc supprimé, bloqué toutes ces personnes de mes réseaux. Mais plus les mois passaient, plus je me sentais libre car malgré tout, j’avais du soutien.

J’ai un CAP en poche

Les mois ont passé, le fait de ne plus voir les personnes qui avaient détruit une partie de mon enfance m’a fait me recentrer sur moi-même. Sans oublier cette personne rencontrée sur les réseaux sociaux. Parler à quelqu’un d’extérieur m’a permis de réellement me confier.
Huit mois après avoir fui l’école, j’ai repris une activité, j’ai enchaîné les formations, les stages. J’ai pu passer le brevet, que je n’avais même pas tenté, et aujourd’hui j’ai un CAP en poche. Grâce à tout ça j’ai forgé mon caractère, je m’affirme. Je suis fière de moi et de mon parcours.

 

Caroline, 21 ans, en service civique, Lyon

Partager

Commenter