Parents divorcés : choisir, c’est décevoir ?
Cela fait maintenant plus de dix ans que ma vie se résume à faire et défaire des sacs, à passer de maison en maison. Mon quotidien a toujours été très différent de celui des autres enfants de mon âge. J’organise ma semaine en fonction des devoirs et des envies de mes parents.
Je ne suis pas seule : avec ma grande sœur, à l’époque nous étions deux à subir leur divorce, et à prendre les décisions. Mes parents ont choisi un mode de garde « libre », c’est-à-dire que ma sœur et moi, nous organisons les semaines. Nous sommes libres de décider chez qui nous voulons aller, de dire non si nous ne voulons pas aller chez l’un, ou choisir d’aller plus souvent chez l’autre.
Le principe est génial, mais quand il faut prendre les décisions et dire non à l’un des parents, c’est plus compliqué. Je me rappelle qu’une année, ils m’avaient tous les deux invitée à passer le Nouvel An avec eux. Ils voulaient que je vienne. J’ai dû faire un choix, et j’ai eu le sentiment de décevoir l’autre.
Peur que l’un d’eux déprime par ma faute
Quand j’étais plus jeune, ma mère avait la garde principale. Nous étions chez elle en semaine, donc nous la voyions plus souvent. Ce sont mes parents qui avaient fait ce choix, en fonction du travail de mon père.
Mon père, lui, venait me chercher tous les jeudis soirs à 18 heures. Une voiture, sans éteindre le moteur, les sacs dans le coffre. C’était le moment de faire un adieu à celui qu’on quittait et un bonjour à celui qui, le sourire jusqu’aux oreilles, nous accueillait. Je me rappelle que quand je revenais de chez l’un ou chez l’autre, je m’enfermais dans ma chambre pour pleurer. J’avais peur de faire souffrir mes parents par mon départ, j’avais peur que l’un d’eux déprime par ma faute.
Avoir deux maisons différentes, c’est comme avoir deux vies avec deux ambiances qui s’opposent. Elles m’ont apporté beaucoup de souvenirs. Chez ma mère, l’ambiance était joyeuse. Une maison avec trois filles, c’est regarder des films, dormir à trois dans un lit, jouer à la maîtresse et au coiffeur… tout en ayant un rythme régulier.
Chez mon père, nous étions des vraies filles à papa, nous mangions des pizzas, du MacDo… Sur le canapé avec un film, pareil, à trois dans une chambre avec comme pyjama un t-shirt de papa, à se raconter des blagues…
Obligée de « faire un choix »
« Faire un choix » est la phrase que j’ai le plus entendue. Petite déjà, mes amies me demandaient la chambre que je préférais, puis le parent que je préférais. Mes amis, ma famille… On m’a toujours obligée à mettre mes parents dans deux cases différentes et à ne jamais les associer. Seulement les comparer.
Les fêtes, comme un anniversaire ou Noël, sont celles que tous les enfants aiment. Moi, je les appréhendais. Savoir que mon papa allait passer le réveillon de Noël tout seul, c’était dur. Les vacances étaient aussi une épreuve. La distance, mais aussi la durée de la séparation avec l’autre parent étaient difficiles à surmonter.
Des souvenirs à trois, pas à quatre
Le soir, la lumière éteinte, sans un bruit dans la maison. Sous mon oreiller, une photo qui n’a aucune suite, celle du mariage de mes parents. Nous étions déjà là, ma sœur et moi. Je la regardais en admirant le bonheur sur nos visages.
C’est parfois compliqué de se sentir chez soi quand on vit dans deux maisons différentes. Après le divorce de ses parents et tous les déménagements de sa mère, Iris a fini par trouver un peu de stabilité.
Si je parle au passé, c’est qu’aujourd’hui c’est très différent. Mon père a trouvé quelqu’un avec qui il partage sa vie, mes peurs pour lui et sa solitude ont donc disparu. Ma mère a elle aussi rencontré quelqu’un avec qui elle est heureuse, avec qui elle a eu mon petit frère. Il joue d’ailleurs un rôle très important dans ma vie.
Aujourd’hui, je vois la séparation de mes parents d’un meilleur côté, même si parfois c’est encore difficile. Est-ce que j’en souffre encore ? Oui, sûrement, mais j’ai aussi appris à accepter leur séparation, et que jamais, quand je rentrerai le soir, j’aurai deux parents assis à m’attendre. Malgré le manque de souvenirs à quatre, j’ai appris à aimer les souvenirs à trois, dans deux maisons différentes.
Héloïse, 16 ans, lycéenne, Argentré-du-Plessis
Crédit photo Pexels // CC Vlada Karpovich
La garde alternée
Les mères ont plus souvent la garde
La garde alternée est de plus en plus répandue, mais ne concerne que 12 % des séparations. Dans 80 % des cas, la mère a la garde principale des enfants.
La garde alternée est un enjeu féministe
Les mères obtiennent plus la garde parce que les pères la demandent moins. Le mythe de l’instinct maternel joue un rôle dans ces décisions. En plus, les pères ne veulent pas freiner leur carrière. Ils n’ont pas tort… : les femmes qui ont la garde exclusive ont plus de difficultés à maintenir leur situation financière et professionnelle que celles qui la partagent avec leur ex-conjoint.
Cette garde serait mieux vécue que les autres
Selon les résultats de trente-trois études différentes, les enfants en garde alternée ont moins de problèmes scolaires et émotionnels que les enfants en garde exclusive. Et pour cause : ils et elles sont moins soumis·es aux problèmes financiers et au manque de temps de leurs parents.