Violences policières : sans preuve, c’est comme s’il ne s’était rien passé
« Contrôle de police, mettez-vous sur le côté ! » Cette phrase, dite par la « Batman », ça fait peur… parce que je savais déjà que ça pourrait dégénérer. Moi j’arrivais, et eux, ils étaient déjà hors de la voiture. Comme s’ils m’attendaient déjà, comme si ça allait être mon tour.
C’était en 2018, j’avais 13 ans. J’étais avec mes potes dehors. Il était 23h30, je rentrais chez moi quand j’ai croisé la police Batman. C’est pas leur nom de la brigade, mais nous on les appelle comme ça, ici, parce que c’est les méchants. Leurs voiture breaks sont très longues et noires avec écrit « Police » sur le capot. C’est un logo avec une sorte d’arc-en-ciel rouge. C’est comme la BST, c’est une brigade de sûreté de terrain.
Ils m’ont donné des coups… puis ils sont partis
Y avait personne dehors. Ils m’ont contrôlé un peu violemment dans un hall, car quelques minutes avant que j’arrive, ils ont trouvé des stupéfiants. Ah oui, car je vous ai pas dit, j’habite dans un quartier où ça en vend ! Ils m’ont demandé d’assumer que c’était à moi. Je leur ai dit que non ; ils m’ont giflé. Après la première gifle, j’ai crié : « Arrêtez, arrêtez ! » Je sais pas si personne n’a entendu, mais je crois surtout que personne ne voulait passer un mauvais quart d’heure avec moi. Ça a duré dix minutes, mais j’ai cru que ça en avait duré 30.
Ils m’ont mis des tartes, et tapé à des parties stratégiques du corps comme dans le ventre. Ils m’ont coupé plusieurs fois la respiration. Après, ils sont partis sereinement comme si de rien n’était, sans m’embarquer.
Quand je suis rentré chez moi, ma mère dormait. Je lui ai dit le lendemain. Elle a eu peur et m’a demandé pourquoi ils ont fait ça. Elle savait que j’allais pas lui inventer des histoires comme ça ! Je lui ai dit qu’ils m’avaient frappé et tout. Elle m’a demandé si y avait des marques, je lui ai dit non… C’était parti dans la nuit. Elle voulait voir s’ils ne m’avaient pas fait trop de trucs.
Ils savent comment ne pas laisser de traces
Sans marque, sans preuve, je ne pouvais pas aller porter plainte. Et de toute façon, traîner un policier en justice, c’est impossible. Parce qu’ils sont très défendus… Et ils sont malins, ils savent comment taper. Y a eu trop de bavures, donc maintenant ils savent comment faire. Ils sont malins.
Quand je l’ai raconté à mes potes, eux aussi m’ont raconté qu’ils sont déjà tombés sur eux, qu’ils avaient déjà passé un mauvais quart d’heure. Comme moi. C’est mes acolytes. Je leur ai dit : « C’est carré, je suis pas tout seul ». Mais ça va jamais plus loin.
C’est pour ça qu’eux, ils s’appellent la Batman aussi, parce qu’ils passent toujours la nuit où ils font des ravages. Quand il n’y a personne, quand tout le monde dort. Quand on est vraiment beaucoup, en groupe, ils descendent rarement. Et quand ils descendent, ça dégénère pas. Mais quand on est tout seul… C’est mauvais quart d’heure assuré.
Nathan, 16 ans, lycéen, Bondy