Sur les réseaux, on m’hypersexualise
Ma mère m’a toujours dit de faire attention à tout ce que je postais sur les réseaux. Plus jeune, je me disais que ce n’étaient que des espaces de loisirs. Des endroits où on s’amusait, sans des personnes avec des mauvaises intentions. Ce n’est qu’aujourd’hui, maintenant que j’ai 15 ans, que je comprends tout le sens des mots de ma mère.
Cela fait deux ans que je me montre sur les réseaux sociaux, en particulier Instagram et Snapchat. J’aime beaucoup partager des moments intéressants de ma vie ou partager des photos prises avec mes amis. Il m’arrive aussi de poster des photos de moi, seule, sur lesquelles je porte plein de tenues différentes : robe, crop-top, etc.
Au fur et à mesure des années, j’ai eu de plus en plus confiance en moi. Et ça m’a poussée à me montrer. C’est à partir de là que j’ai commencé à recevoir sous mes stories des commentaires de garçons, parfois majeurs, du style : « T’es bonne » ; « Tu me donnes chaud » ; « Tu me fais de l’effet. » Pourtant, il n’y avait rien de provocant dans mes stories. C’étaient juste des moments entre amis. Sur les photos, on voyait à peine mes formes.
Les réseaux, entre distraction et danger
La première fois que j’ai reçu ce genre de remarques, j’ai été choquée. C’était comme une claque et je ne savais pas comment réagir. Je me suis sentie mal. Mais je n’ai jamais osé en parler avec ma famille. Parce que j’avais peur que ma mère me demande de désinstaller les applications. Ou qu’elle me traite d’inconsciente, même si, au fond, je sais qu’elle me soutiendra. Car, même si les réseaux sont dangereux, c’est une sorte de distraction qui me permet de découvrir de nouvelles choses et de m’occuper quand je ne sais pas quoi faire.
Désormais, recevoir ce genre de commentaires, c’est devenu banal. Je dirais même tristement banal tellement ils sont récurrents. Et ça ne me fait plus rien. Parfois, j’en ris même en me disant que ces mecs se tapent la honte et sont sacrément désespérés pour envoyer ce genre de messages. Je les bloque et je passe vite à autre chose. Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, si c’est un homme qui met une story de lui torse nu, il n’a pas le droit à ce genre de commentaires déplacés ?
Des épreuves qui m’ont rendue plus forte
L’autre truc qui me dérange sur les réseaux sociaux, c’est quand un garçon avec qui je discute et que j’apprécie finit par me demander que je lui envoie des nudes. C’est-à-dire des photos osées, intimes. Bien évidemment, je n’enverrais jamais ça. J’ai l’impression que, maintenant, les hommes (pas tous) ne pensent qu’au sexe et au corps des filles. Ils ne s’intéressent même plus à la personne en elle-même.
Que ce soit les commentaires sexistes ou les demandes de nudes, je trouve cela très méprisant. On devrait être libre et se sentir en sécurité de pouvoir poster ce que l’on veut, qu’on soit une fille ou un garçon. Cela me fait penser à ce qu’il se passe dans la vraie vie. Par exemple, quand ma mère me dit de faire attention quand elle me voit sortir, seule, un peu maquillée ou avec une tenue « osée ». Elle me dit : « Fais attention, on ne sait pas sur qui on peut tomber. »
Les réseaux sociaux, pour Anaïs, c’est un espace où elle s’exprime et s’assume, mais aussi un lieu où elle subit violences sexistes et sexuelles.
D’un côté, elle a raison. Mais, d’un autre, je me dis « non » car, pour moi, on a le droit de se maquiller et de s’habiller comme on veut sans qu’on se prenne des remarques à cause de ça. Ce n’est pas à nous, les filles, de changer notre manière d’être. Mais aux « pervers » de changer leur comportement envers les femmes.
Les commentaires sexistes, ça ne va pas m’empêcher de faire ce que j’aime : poster des photos de moi et de mes amis sur les réseaux sociaux. Je m’en fiche de ce qu’ils peuvent dire et, pour moi, la meilleure réponse à leur donner c’est de les ignorer. Mais, maintenant, je suis assez mature pour comprendre que, dans le monde réel comme sur Instagram, il y a des personnes mal intentionnées qui peuvent, avec ce genre de mots, intimider certaines filles ou les pousser à faire des choses qu’elles n’ont pas envie de faire. Et ça peut engendrer des conséquences graves.
Nélia, 15 ans, lycéenne, Gravelines
Crédit photo Unsplash // CC Joshua Gandara