Gloria S. 18/05/2022

1/5 Ma sœur, ce modèle de féminité

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La plus grande source d’inspiration de Gloria : sa sœur. Elle la contemple avec admiration, dans l’espoir de lui ressembler un jour un peu.

Avec ma sœur, j’ai six ans d’écart. C’est elle la grande. Elle m’a toujours inspirée : ses mouvements, son corps, son style. Je le dis tout haut : je la trouve bien mieux que moi. Je me compare à elle et je me trouve nulle, incapable de surmonter une petite épreuve ou de trouver un style qui me correspond. Je veux le trouver, ce style.

Je pense qu’il me permettra de me sentir bien dans ma peau. Personne ne me l’a dit, mais je vois parfois dans les yeux des autres : « Elle est pas à la mode cette meuf. » Ou : « Aujourd’hui, c’est les mêmes vêtements qu’hier. Et je n’aime toujours pas. » Les vêtements de ma sœur correspondant plus à la norme ou à la mode, je les chipais dans son placard.

Fouiller dans son tiroir

Je ne la voyais pas tous les jours car elle allait chez son père. En fait, c’est ma demi-sœur, mais on se connaît depuis que je suis née et on s’est toujours considérées comme sœurs. J’attendais les jours où elle était chez nous, car on dormait dans la même chambre. J’adorais fouiller dans le tiroir où elle mettait ses bijoux, ses élastiques qui prenaient des formes d’animaux et ses CD. Moi aussi, j’avais mon tiroir, mais ses affaires étaient déjà mieux, à l’époque. Enfin, JE les trouvais mieux.

Quand j’avais 7 ans, on a déménagé dans une grande maison. Donc, ma sœur et moi, chacune sa chambre. Finies les fouilles ! D’autant plus qu’elle s’est refermée sur elle-même et s’est mise à se confiner dans sa chambre où elle travaillait, s’amusait, dormait. Il n’y avait qu’au repas où on la voyait. Et encore, elle parlait peu et retournait se cloîtrer dans son antre. Quelques fois, elle jouait avec mon frère et moi sur son lit à faire des batailles d’oreillers, mais elle se lassait vite et nous envoyait dans nos chambres.

Plus qu’une inspiration, un modèle de féminité

Son style vestimentaire et ses accessoires ont changé en un style plus femme, et je l’enviais autant qu’avant (un style plus femme, ce sont des vêtements plus moulants, avec des formes féminines comme des jeans pattes d’eph ou des t-shirts épaules nues…). Quand je voulais bien m’habiller, c’était à elle que je pensais, et c’est à elle que je pense encore maintenant.

J’ai l’impression que son style est une sorte de mélange entre la mode et elle, ce qui m’émerveille. Moi qui m’habillais sous les directives de la météo et parfois de ma mère (elle me faisait des suggestions), je rêvais de posséder de pareils vêtements et de savoir les associer. Par exemple, elle avait un pantalon Levi’s marron côtelé coupe droite qu’elle associait à un débardeur blanc moulant avec les bretelles croisées. Elle mettait des manteaux très originaux, jaunes avec des graffs noirs… Moi, j’avais des vêtements assez simples, comme des jeans et des pulls, ainsi que quelques t-shirts. Ma seule fantaisie, c’était un jean bleu délavé moulant avec une chemise à carreaux bleu et rouge. Mes chaussures étaient des Kappa et des Quechua, les siennes des Nike et des Jordan.

Ma grande sœur m’impressionne et j’ai envie qu’elle soit fière de moi. Je ne lui ai jamais dit. Je ne sais pas pourquoi. C’est peut-être la raison de mon admiration : j’ai envie qu’elle soit fière de moi.

Des fringues et du maquillage

Parfois, elle voulait bien qu’on passe des moments ensemble. Je me rappelle d’une fois, en vacances, à la montagne, on partageait une chambre et, un jour de canicule, on a fermé les rideaux et ouvert les fenêtres. On a allumé la télé et ma sœur a choisi Les reines du shopping. On a regardé tout l’épisode, on rigolait et on donnait nos avis sur les tenues. J’avoue que, parfois, je faisais exprès d’être d’accord mais je m’en fichais car on était ensemble.

Un soir, elle m’a maquillée super bien : fond de teint, fard à paupière, paillettes, rouge à lèvres, gloss… Tout y était ! Dans ces moments-là, ou lorsqu’elle me coiffait, c’était surtout elle qui parlait car je ne devais pas bouger. Elle me racontait des trucs et elle mettait sa musique… Elle ne m’a jamais relookée. De toute manière, je n’aime pas qu’on me relooke. J’ai plus l’impression que c’est de la critique qu’une aide !

Mon image de la féminité, c’est elle

Je ne sais pas ce que féminité veut dire en vrai, mais je n’ai pas rencontré beaucoup de femmes féminines, comme on le décrit. Une des personnalités les plus ressemblantes à l’image que je m’en suis faite, c’est ma sœur. Eh non, ce n’est pas ma mère. Sa mode à elle, ce n’est pas la mode, malgré tout l’amour que j’ai pour elle.

Série 2/5  – Longs, rasés ou rouges, les cheveux de Jade ont évolué avec elle et l’ont accompagnée dans ses questionnements sur son genre.

Capture d'écran de l'illustration du texte « Nouvelles coupes, nouveaux moi ». Une fille est allongée sur un lit, elle sourit. Sur sa gauche, une bulle reliée à son téléphone montre deux femmes qui s'enlacent. A sa droite, trois vignettes montrent trois coupes de cheveux différentes : une longue, une rasée sur le côté, et un carré.

La féminité de nos jours, c’est souvent quelque chose de fort, de rebelle. Quelque chose de beau et de séduisant. Or, je ne correspond pas trop à ces critères. Encore une fois, la personne la plus proche de ma description de la féminité est… (roulements de tambour) ma sœur.

Gloria, 13 ans, collégienne, Île-de-France

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

L’adolescence en sons et en images

Pour traverser l’adolescence ou se replonger dedans, voici une courte série de recommandations de choses à voir, lire ou écouter :

 

• PODCAST – Entre de Louie Media

Dans ce podcast en trois saisons, de jeunes ados racontent cette période qu’elles et ils traversent, entre l’enfance et l’âge adulte. L’école, l’amitié, la puberté, les parents, l’amour… tous les pans de leurs vies sont passés au crible. La dernière saison interroge dix jeunes garçons d’horizons différents pour tenter de répondre à la question : « C’est quoi être un garçon en 2022 ? »

 

• FILM – Tomboy de Céline Sciamma

Laure est une jeune fille de 10 ans, perçue comme un « garçon manqué ». Arrivée dans une nouvelle école, elle décide de se présenter comme un garçon à une élève et essaie de garder tant bien que mal son secret pour que son identité ne soit pas révélée. Un long-métrage sensible sur la construction du genre à l’adolescence et sur la transidentité.

 

• BD – Les cahiers d’Esther de Riad Sattouf

En sept tomes, Riad Sattouf retrace le quotidien du personnage d’Esther, une jeune fille drôle et pleine de vie, de ses 10 à ses 16 ans. En attendant de les lire, les deux premiers albums ont également été adaptés en vidéos animées et sont disponibles gratuitement sur la chaîne Youtube Les cahiers d’Esther.

 

• DOCUMENTAIRE – Adolescentes de Sébastien Lifshitz

Pendant cinq ans, le réalisateur a suivi deux amies, aux milieux sociaux et aux trajectoires différentes, sur leur chemin vers la vie d’adulte. On découvre ce qu’elles sont devenues à 18 ans, à l’échelle de leur vie et de leur relation. Et on se replonge dans les moments forts qui ont traversé le pays depuis 2015.

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