Jade T. 18/05/2022

2/5 Nouvelles coupes, nouveaux moi

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Longs, rasés ou rouges, les cheveux de Jade ont évolué avec elle et l’ont accompagnée dans ses questionnements sur son genre.

Changer de coupe ou de couleur de cheveux est devenu, depuis deux ans, ma manière de faire face aux problèmes de la vie. Jusqu’à mes 12 ans, j’ai toujours eu les cheveux très longs avec une frange droite. J’en ai eu marre, ça faisait trop « fillette », je développais des complexes face au regard des autres. En plus, ma mère me faisait tout le temps des couettes… Alors, j’ai voulu changer. J’avais envie de faire plus « ado ».

En octobre 2019, j’ai décidé de me couper les cheveux très courts avec un dégradé à l’arrière du crâne, une sorte de vague au-dessus de l’oreille gauche et une mèche qui partait sur la droite. Cette coupe garçonne, je l’ai gardée pendant environ un an.

Les vibrations du rasoir sur ma tête

Mes parents avaient toujours décidé de ma coupe. Enfin, en grande partie ma mère, mon père s’en fichait en fait. Voilà pourquoi je l’ai choisi pour m’emmener me couper les cheveux. Je savais qu’il ne dirait rien ou qu’il apprécierait. Quand je suis rentrée, ma mère m’a dit droit dans les yeux qu’elle adorait ma nouvelle coupe. Mais, après être montée dans ma chambre, je l’ai entendu parler avec mon père et dire qu’elle trouvait ça horrible… merci maman.

Quand je suis allée chez le coiffeur, je n’avais pas vraiment d’idée précise en tête. Certes, j’avais enregistré quelques images de coupes sur Pinterest, mais tout n’était pas clair pour moi. J’aimais beaucoup les dessins rasés au-dessus de l’oreille, alors j’ai demandé ça et… c’est ce qu’il a fait. Quand il a commencé à couper, j’ai senti les vibrations du rasoir sur ma tête. J’ai alors ressenti une vague de frissons parcourir mon corps. Je sentais des mèches de cheveux tomber sur mes épaules et je me sentais de plus en plus légère…

Quand j’ai découvert ma coupe, je l’ai trouvée formidable, avec la précision du dessin au-dessus de mon oreille. Mais dès le lendemain, je ne pouvais plus la supporter, sans vraiment de raison d’ailleurs. De plus, le motif rasé est parti assez rapidement. J’ai donc fini par porter un bonnet en attendant que mes cheveux repoussent.

Je ne regrettais pas mes cheveux longs pour autant.

Un style plus masculin

Ma coupe de cheveux a influencé pas mal de choses dans ma vie. Mon style vestimentaire s’est masculinisé. Je suis contente d’être passée par cette phase car j’ai pu apprendre à faire évoluer mon style. Par exemple, porter de gros pulls et empiler les couches pour avoir des épaules plus larges et couvrir mes formes. J’ai même commencé à porter un bandeau autour de ma poitrine pour la cacher.

Avant, je portais des jeans skinny, des robes et des jupes, sous les conseils de ma mère. Ce n’est pas que la manière dont elle m’habillait me gênait, mais… un peu quand même. Je récupérais ses habits ou ceux de ma cousine, et je ne pouvais pas m’acheter ceux que j’aimais vraiment. Quand je voyais la manière dont s’habillaient mes amis et « ma » manière, je complexais. Et oui, encore le regard des autres.

Est-ce que je suis une fille ?

J’ai commencé à me questionner sur mon genre. J’avais pas mal de problèmes dans ma vie (j’avais perdu mes ami·es, des problèmes avec ma mère, je pensais trop à tout et complexais, bref une très mauvaise phase) et, à force de me poser des questions sur tout, j’ai fini par me dire : « Mais est-ce que je suis une fille ? » Petite, je ne me posais pas la question car on ne m’avait jamais dit que différents genres existaient. Pour moi, tout le monde était pareil.

Je n’aime pas me mettre d’étiquette mais je me suis définie comme genderfluid. Parfois femme, parfois homme, parfois rien. Le plus embêtant, je crois, c’était quand j’étais rien. J’ai demandé aux proches qu’il me restait de me genrer en iel ou il.

Je n’en ai jamais parlé à mes parents. On ne communiquait pas vraiment à ce moment-là. Déjà que ma mère me faisait beaucoup de remarques sur ma manière de m’habiller, du fait que je sois trop masculine, je me suis dit qu’ils ne comprendraient pas.

Mes cheveux teints en rouge

Mes cheveux ont recommencé à pousser. J’avais toujours ma mèche sur le côté, mais plus longue cette fois, et le motif au-dessus de mon oreille avait disparu depuis un moment. Mon style vestimentaire a encore changé.

Cette fois-ci, je me suis adaptée à la mode. J’avais toujours des gros pantalons larges et de gros pulls larges, mais j’ai commencé à porter des crop tops qui laissaient entrevoir mon ventre. Je suis sortie avec une fille et j’allais beaucoup mieux. Je me sentais bien avec elle et j’avais confiance en moi… jusqu’au jour où je me suis fait quitter haha… Bref, je me suis teint les cheveux en rouge sur un coup de tête, sans vraiment réfléchir.

D’ailleurs, je l’ai fait tellement sans réfléchir que j’ai fait une coloration rouge permanente, et j’ai toujours des reflets roux aujourd’hui. Mais ce n’est pas grave, parce que j’avais vraiment besoin de changer, et que je me sentais mieux après ça.

Un carré pour un nouveau départ

L’été est passé, mes cheveux ont continué à pousser, mon style a encore changé. Je bouclais mes cheveux rouges, je portais des jeans larges taille basse, avec des crop tops. J’avais confiance en moi et j’aimais ça ! J’avais moins de problèmes dans ma vie, alors je me suis posée et je me suis redemandée : « Mais est-ce que je suis une fille ? » Cette fois-ci, la réponse était oui, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je me sentais fille. Je me définie maintenant en tant que femme cisgenre.

Série 3/5 – Au lycée, Moha a remarqué qu’il existait des « clans » selon les styles vestimentaires. Chaque groupe a ses propres codes, pour marquer son identité.

Capture d'écran de l'illustration du texte « Avec nos looks, on dirait des gangs ». Dans le fond de l'image, des cartes bleues représentent différents styles vestimentaires : skateur, streetwear, gothique.... A droite, un visage de profil est coupé.

Après l’été, mes cheveux avaient bien poussé et, en novembre, je me suis fait un carré. Ça fait maintenant six mois. Cette fois, je n’ai plus de problème dans ma vie. Me couper les cheveux au carré m’a permis de clore ce chapitre de ma vie et d’en commencer un nouveau, plus joyeux.

Jade, 14 ans, collégienne, La Queue-lez-Yvelines

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

L’adolescence en sons et en images

Pour traverser l’adolescence ou se replonger dedans, voici une courte série de recommandations de choses à voir, lire ou écouter :

 

• PODCAST – Entre de Louie Media

Dans ce podcast en trois saisons, de jeunes ados racontent cette période qu’elles et ils traversent, entre l’enfance et l’âge adulte. L’école, l’amitié, la puberté, les parents, l’amour… tous les pans de leurs vies sont passés au crible. La dernière saison interroge dix jeunes garçons d’horizons différents pour tenter de répondre à la question : « C’est quoi être un garçon en 2022 ? »

 

• FILM – Tomboy de Céline Sciamma

Laure est une jeune fille de 10 ans, perçue comme un « garçon manqué ». Arrivée dans une nouvelle école, elle décide de se présenter comme un garçon à une élève et essaie de garder tant bien que mal son secret pour que son identité ne soit pas révélée. Un long-métrage sensible sur la construction du genre à l’adolescence et sur la transidentité.

 

• BD – Les cahiers d’Esther de Riad Sattouf

En sept tomes, Riad Sattouf retrace le quotidien du personnage d’Esther, une jeune fille drôle et pleine de vie, de ses 10 à ses 16 ans. En attendant de les lire, les deux premiers albums ont également été adaptés en vidéos animées et sont disponibles gratuitement sur la chaîne Youtube Les cahiers d’Esther.

 

• DOCUMENTAIRE – Adolescentes de Sébastien Lifshitz

Pendant cinq ans, le réalisateur a suivi deux amies, aux milieux sociaux et aux trajectoires différentes, sur leur chemin vers la vie d’adulte. On découvre ce qu’elles sont devenues à 18 ans, à l’échelle de leur vie et de leur relation. Et on se replonge dans les moments forts qui ont traversé le pays depuis 2015.

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