Jean M. 09/06/2022

4/4 Face au mépris de mon patron

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Pendant sa première alternance, Jean a subi les remarques désobligeantes de la clientèle et de son patron. Il pense à changer de métier.

Je suis Ivoirien, né en Côte d’Ivoire. Je suis arrivé en France en 2019, précisément à Marseille. Mon intégration n’a pas été facile, car il fallait que je me trouve un métier pour m’en sortir. Lors de mon arrivée en France je voulais poursuivre mes études en électricité, mais faute de place dans un CFA d’électricité, sans patron, j’ai dû abandonner cette idée.

J’ai été conseillé par un ami qui m’a dirigé vers un CFA à Marseille, un centre de formation aux métiers de l’hygiène et de la propreté. J’ai eu à faire des entretiens avec des responsables qui m’ont fait connaître le métier et le salaire que je pourrais avoir. D’un coup, je me suis intéressé à ce métier.

Ce qui m’a donné le courage de poursuivre dans les métiers de la propreté, c’est le salaire. Comme toute personne qui souhaite travailler, on est plus attiré par le salaire que par le métier en lui-même.

Du sourire au dégoût

J’ai eu mon premier entretien d’embauche avec une entreprise et la semaine qui suivait, j’ai signé mon premier contrat. Au début avec mon entreprise, tout allait bien. Vu que j’étais nouveau dans ce métier, le patron avait le sourire et prenait du temps pour m’expliquer les choses.

Mais à un moment donné, j’ai commencé à sentir un manque de considération de sa part, une forme de soumission attendue et même parfois des mots grossiers. Et même avec les clients, je ne me sentais pas libre de leur parler quand il y avait une situation où l’on n’était pas d’accord.

Je trouve que nous ne sommes pas toujours assez protégés par nos employeurs face aux personnes que nous rencontrons sur les sites. Souvent, j’ai eu peur de dire la vérité par peur de perdre le contrat qui nous lie. Il y a eu des situations où je me suis retrouvé en désaccord avec les clients, il y a eu des critiques de leur part sur mon travail, et mon patron n’a même pas pris la peine de me demander ma version des faits. Il n’a même pas cherché à savoir ce qu’il s’était passé, il a considéré que le client avait raison. J’ai senti la haine en moi, le dégoût pour ce boulot. Je n’aimais plus ce métier. J’avais envie d’arrêter.

Manque de considération

Avec l’aide du CFA et de mon formateur, j’ai continué ma formation en changeant d’entreprise. Souvent, je me demande pourquoi avoir choisi ce métier. Le manque de considération de la part des patrons, les injures et le manque de soutien moral quand nous sommes dans les difficultés face aux clients sont durs à supporter.

D’un autre côté, je me sens fier parce que j’exerce un métier qui me donne de quoi manger. Le métier d’agent d’entretien m’a aidé dans mon intégration et m’a aussi donné la chance de voir le milieu du travail. Aujourd’hui grâce à ce métier, j’ai eu mon diplôme en CAP, et là, je continue en bac pro. Le diplôme représente pour moi le fruit de mes efforts fournis pendant plus de deux ans d’apprentissage. Une fois ma formation terminée, je vais basculer sur un autre métier. J’ai déjà des pistes pour ça. J’aimerais poursuivre mon objectif et mon rêve, dans le domaine de l’électricité.

Série 1/4 – Devenir agent de nettoyage, Abdoul Brice n’en a jamais rêvé avant d’arriver en France. Pour lui, c’est un travail difficile à assumer.

Capture d'écran du premier épisode de la série : "Je cache ce que je fais à mes parents".

Ce métier est fait pour des personnes qui sont en situation compliquée. On nous dit souvent que des jeunes courageux comme nous devraient être dans d’autres métiers, plutôt que dans ceux du nettoyage. Nous sommes traités comme des « hommes de ménages » qui n’ont pas d’autres boulots à faire dans la vie. Ce que moi je demande aux responsables de cette filière, c’est d’aider les jeunes qui se donnent jour et nuit pour ce métier.

Jean, 22 ans, apprenti, Marseille

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Hommes et femmes de ménage

Un métier précaire…

– Le salaire horaire brut médian pour un·e agent·e d’entretien est de 11 euros, quand il atteint 15,2 euros pour l’ensemble des salarié·es du privé.

La moitié des employé·es sont à temps partiel et cumulent plusieurs emplois. Elles et ils doivent gérer des horaires fragmentés. La plupart d’entre elles et eux sont amené·es à travailler de manière isolée très tôt le matin ou tard le soir, ce qui nuit à leur santé et à leur sécurité en cas d’accident.

 

… dangereux pour la santé…

6 salarié·es sur 10 sont exposé·es au risque chimique. L’exposition aux saletés et aux risques infectieux est particulièrement importante, sans compter les nuisances que peuvent générer les locaux industriels.

– Les risques physiques comme les chutes sont élevés. Un tiers des arrêts de travail concernent des lombalgies, causées par les postures contraignantes dans des lieux étroits.

 

… qui surexpose les personnes étrangères et non diplômées.

Un quart d’entre elles et eux ne sont pas de nationalité française. En plus de subir la précarité du secteur, elles et ils peuvent également être confronté·es au racisme de leurs patron·nes ou client·es.

44 % des salarié·es dans ce secteur ne sont pas diplômé·es, soit près de la moitié.

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