L’autisme n’est pas contagieux
Quand on dit « autisme », la plupart des gens pensent à l’Asperger. C’est la forme la plus légère et la mieux connue de ce trouble. Mais il existe d’autres formes d’autisme plus sévères, moins reconnues et moins soutenues.
Quand le diagnostic de mon petit frère Lilian est tombé – 8 sur une échelle de 10, je me suis sentie étrange. Je ne connaissais absolument rien à l’autisme. Je ne savais même pas qu’il existait différents grades de « sévérité ». Même après tout ce temps, on ne s’y fait jamais vraiment. Je ne vois Lilian que cinq fois dans l’année. Il n’empêche que j’en souffre aussi, comme tout le monde autour de lui.
Aujourd’hui, Lilian a 9 ans, mais il ne parle pas. L’âge requis pour parler est déjà passé depuis longtemps. À ce stade, cela relèverait du miracle qu’il parle un jour.
Il ne comprend pas ce qui est mal
À 9 ans, il porte toujours des couches. Parfois, il les enlève à n’importe quelle heure de la journée, ou il ne veut pas les remettre. Mes parents m’ont raconté qu’une nuit, il a fait une crise et retiré sa couche. Il était en train d’en étaler partout sur le lit et de se mettre les doigts plein d’excréments dans la bouche. Mes parents étaient impuissants. À quoi bon lui dire qu’il ne doit pas faire ça ? Il ne comprend pas que c’est mal.
Voilà le problème : l’autisme l’empêche d’avoir une vie « normale », de grandir « normalement », de faire des sorties ou même d’avoir un simple échange avec nous. « Impuissance » est un mot important et qui est très représentatif de mon point de vue sur la question. Combien de fois j’ai vu Lilian faire des crises horribles, tirer les cheveux ou s’énerver dans les bras de mon papa et de ma belle-mère ? Combien de fois, en voyant la douleur dans les yeux de mon frère, la souffrance de faire une crise, je me suis sentie triste et impuissante ?
Les gens ont peur de mon frère
Quand quelqu’un est différent dans notre entourage, il est malheureusement très courant d’entendre les critiques. Les gens ne comprennent pas et ont parfois peur. Une fois, nous sommes allés faire des courses, avec ma belle-mère et mon petit frère. Il y avait beaucoup de monde dans le petit magasin et Lilian avait été calme la moitié du temps.
En arrivant à la caisse, il a commencé à s’impatienter et a fait une crise. Il s’est mis à pleurer, il commençait à se tirer les cheveux et à vouloir partir. Nous étions à la caisse handicapé. Un monsieur derrière nous a dit : « Non mais vraiment aucune éducation, qu’est-ce qu’il lui prend à se mettre à crier comme ça ? » Ma belle-mère l’a regardé et lui a dit : « Il est autiste. »
Voici un autre exemple de l’ignorance du regard des gens et de leur absence d’empathie. Nous étions partis en famille faire une course à Bricomarché. Mon autre frère, Arthur, avait vu une moto un peu chère en verre. Il voulait jouer avec, mais les parents lui ont retirée des mains. Lilian a, à son tour, pris la moto. Mais la retirer n’allait pas être aussi facile. Il s’est mis à faire une crise en plein milieu du magasin. En voyant son frère pleurer, Arthur s’est mis lui aussi à pleurer. Papa les a pris avec lui pour sortir.
Au moment où il sortait, sous les regards noirs ou terrifiés de personnes à la vie « normale », une femme est entrée dans le magasin avec son Caddie et un chapeau rose. Elle a vu mon père avec deux enfants en train de pleurer dans les bras et elle a hurlé : « Oh mon Dieu mais pourquoi ces enfants crient-ils ? Ils sont bruyants ! Faites-les taire ! »
La caissière nous a mal regardé et nous a dit : « Mais vous comprenez, les gens ont peur. » Comme si elle voulait en rajouter une couche. Ce fut vraiment la phrase de trop. Sous le coup de la colère, ma belle-mère a répondu : « Peur de quoi ? Que ce soit contagieux ? »
Manque de soutien…
Le plus difficile, c’est d’être constamment jugé par des personnes extérieures qui ne veulent surtout pas comprendre. À quoi bon ? Cela ne leur apporterait rien…
Quand je suis confrontée à ces personnes à l’esprit fermé, j’ai envie de les inviter à passer une semaine chez nous. Il y en a plein à qui ça pourrait faire du bien. Qu’ils comprennent à quel point c’est dur pour tout le monde.
Je suis fière de mon petit frère, de qui il est, et des efforts qu’il fait, même minimes. J’essaie de me battre contre le regard des autres en restant fière. Quelque part, je suis contente de comprendre l’autisme, de savoir « le gérer », d’être plus mature sur ce sujet-là.
… même des médecins
Mon frère va à l’IME (l’institut médico-éducatif), qui reçoit des personnes en déficience mentale ou physique. Il y va en taxi chaque jour, sauf les mercredis. Ce fut une horreur pour avoir une place. Il manque énormément de places en IME, et le temps d’attente est long. « Bah, désolée Madame, mais vous allez devoir attendre. » Attendre combien de temps ? Attendre quoi ? Un miracle ? Que quelque chose de grave arrive ? Venez vivre à la maison le temps d’attendre, on verra si vous allez tenir.
Ils osent sortir aux familles d’attendre alors que selon le site faire-face.fr (un site d’information sur le handicap), il manquerait entre 30 000 et 47 000 places dans les IME pour que tous ceux qui en ont besoin aient des réponses adaptées.
Depuis qu’il va à l’IME, Lilian a l’air d’aller bien. En tout cas, il a l’air de beaucoup s’amuser là-bas. Il fait du cheval, il mange des plats différents de ce qu’il mange à la maison. Il y a deux éducateurs avec lui. C’est dur de se dire qu’il faut deux personnes pour gérer mon frère.
Il y a aussi les fameux : « Non mais vous comprenez, nous ne pouvons rien faire en ce moment car c’est la semaine de repos et nous avons besoin de vacances. » Alors que nous, nous ne sommes quasiment pas partis en vacances depuis huit ans. Vous pensez que l’autisme va s’arrêter pour nous laisser avoir des vacances ? On est privés de vacances et de toutes sorties, et vous osez nous dire ce genre de trucs ?
Et si c’était vous ?
Il faudrait vraiment que la prise en charge puisse être respectée là où on l’attend le plus. Dans les établissements prévus pour ça, mais aussi dans les établissements scolaires. Le problème, c’est qu’il manque beaucoup d’assistantes de vie scolaire (AVS), que c’est un métier vraiment peu connu, et pourtant très utile et demandé. Tous les enfants ont le droit à l’éducation, même avec leur handicap.
Sarah a grandi avec un père autiste. Petit à petit, elle a appris à le comprendre. Vivre avec lui a enrichi sa façon de voir le monde.
Évidemment, tout n’est pas à jeter. Il y a beaucoup de personnes compréhensives qui acceptent la différence, et qui s’en occupent ou compatissent. Déjà ça, ça apporte beaucoup. Je suis reconnaissante de ces personnes qui prennent la parole pour nous, qui nous comprennent et qui acceptent.
Malheureusement, la majorité des personnes réagissent comme décrit plus haut. Elles ont peur de l’autisme et ne veulent ni comprendre, ni accepter la différence. À ces gens, je pose une question : comment réagiriez-vous si c’était quelqu’un de votre famille proche ? Votre frère ? Votre sœur ?
Lia, 21 ans, étudiante, Rennes
Crédit photo Pexels // CC Barbara Olsen
On parle peu de l’impact d’un trouble neurodéveloppemental sur une famille.
C’est un sujet tabou, très peu médiatisé, et comme le dit Lia, c’est difficile d’imaginer cette situation lorsqu’on n’y est pas confronté.
La série En thérapie aborde ce sujet à travers le personnage de Lydia. Durant ses séances de psy, elle raconte l’autisme de son frère, l’amour qu’elle a pour lui et les conséquences que ce trouble a sur leur vie de famille.
On te conseille cette super série, dispo sur le site d’Arte ou sur Youtube.
Bonjour Lia
Merci pour ce texte ; je comprends votre ressenti, votre cri du cœur face à la méconnaissance, l’ignorance,
le manque de tolérance…
Vous, vous comprenez votre petit frère et percevez SA bulle.
Lilian est bien entouré et c’est le principal !
Bonjour je suis maman d un petit garçon de 10 ans autiste qui n est pas asperger.C est fatiguant d entendre en permanence ce terme asperger alors que les autres enfants autistes ne sont pas reconnus a leurs juste valeur .Quand je vais au square mon fils est considéré comme un enfant pas élevé car il peut crier si il est angoissé mais personne ne l aide parce que je dirais que les gens sont égoïste et préfère ne pas voir …LA réalité c est qu il y a de plus en plus d enfants autiste que peut on leur proposer ? Comment les aider dans leur souffrance ?