Faire des études d’esthétique, c’était pas gagné
J’ai toujours aimé l’esthétique, surtout la coiffure. Ma grand-mère était coiffeuse, ma mère aussi. Pour moi, suivre leur voie était une évidence. Je me suis donc renseignée sur la classe de troisième « prépa-métier » pour devenir esthéticienne. Ma mère m’a immédiatement soutenue, mais mon père n’était pas d‘accord.
Pour lui, choisir une filière professionnelle, c’était rater sa vie. Esthéticienne, c’était encore pire, et « pour gagner une misère toute sa vie ». Ça ne pouvait être qu’un rêve de gamine. Il disait que j’étais assez bonne pour faire comme tout le monde et rester en filière générale. Alors j’ai laissé tomber et me suis résignée à faire une année de troisième classique.
J’ai arrêté d’aller à l’école
Quelques mois après la rentrée, les problèmes ont commencé : j’avais de grosses migraines, des vertiges et des malaises. Je passais parfois des semaines dans mon lit, dans le noir, sans rien manger parce que ça me faisait vomir.
Un jour, alors que j’allais en cours, comme tous les matins, en scooter, un voile m’est apparu devant un œil, j’ai fait comme si de rien n’était. Je me souviens de l’odeur angoissante de la classe, de la chaleur qui régnait. J’ai appuyé ma tête sur le mur, et soudain, ce fut le vide. Je me suis réveillée avec mon ami qui m’appelait. J’avais fait un malaise. Le voile qui m’était apparu le matin était de nouveau là. Après être allée à la vie scolaire, je me suis rendue chez le médecin. Le « voile » l’inquiétait. Elle m’a envoyée faire un scanner pour être sûre que ce n’était pas neurologique. J’ai passé douze heures aux urgences dans l’espoir d’avoir enfin des réponses. Mais je n’avais aucun problème, le médecin a juste dit : « Vous avez des migraines , juste des migraines ! »
Me réorienter m’a sauvée
On a finalement appris que c’était nerveux et dû au stress. Après ces épisodes, j’ai pratiquement arrêté d’aller en cours et je n’ai plus été malade. Mais il fallait encore que je me fasse entendre par mon père : je voulais être esthéticienne. Je voulais passer un bac pro, apprendre le métier, me sentir utile, me retrouver. J’ai fini par m’inscrire avec l’aide de ma mère. Et là, délivrance : j’ai été acceptée.
Aujourd’hui, tout le monde est fier de moi. Je donne tout pour réussir, je suis passionnée. Mais je n’oublie pas que ce que j’ai vécu n’est pas normal. L’état dans lequel je me suis retrouvée est injuste et simplement lié aux préjugés associés à certains métiers.
Manon, 17 ans, lycéenne, Marseille